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La justice guinéenne sous Alphonse Charles Wright : persécutions, menaces et chantages

En présentant la contribution de l’Association des magistrats de Guinée au «Débat d’orientation Constitutionnelle» devant les membres de l’organe législatif de transition, Abdoulaye Israël Kpoghomou (sur la photo), a dénoncé mardi 31 mai 2023,  «l’attitude du Garde des sceaux, Alphonse Charles Wright, qui est en train de mener sa propre transition dans cette transition avec pour corollaires : la théâtralisation, la désacralisation, la banalisation et l’infantilisation de la justice.» 

L’ancien procureur du Tribunal de première instance de Labé (suspendu, puis remplacé), était invité à présenter au CNT (Conseil  national de la Transition) la «Communication» de l’AMG (Association des magistrats de Guinée) au «débat d’orientation constitutionnelle».

A cet égard, Abdoulaye Israël Kpoghomou a évoqué les grandes lignes devant être prises en compte dans la future constitution selon le souhait exprimé par l’AMG. Sans faire de cadeaux au ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright introduit sa communication par un bref aperçu «du pouvoir judiciaire et des institutions juridictionnelles» actuelles.

Sur ce point, la «Communication» de l’AMG portée par M. Kpoghomou «recommande vivement au CNT de modifier certaines dispositions de la loi organique L/054/CNT/2013 portant statut des Magistrats en ce qui concerne (…) le mode de recrutement des Magistrats et de nomination des chefs de juridictions et de parquets.»

A ce propos, «à défaut de promouvoir l’appel à candidature pour la nomination des chefs de juridictions et de parquets, l’AMG recommande qu’ils soient nommés, sur proposition du Garde des sceaux, Ministre de la justice et des droits de l’Homme, après avis conforme du CSM, mais de surcroît il faut ajouter une dernière étape qui est l’approbation des nominations par le parlement».

De l’avis de l’AMG, «cela permettra de mettre fin à une mauvaise habitude de certains Gardes des sceaux qui consiste à court-circuiter les Procureurs généraux et s’adresser directement aux Procureurs de la République et parfois aux Magistrats du siège».

Pour ce qui  est de l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, «l’AMG recommande au CNT de renforcer les pouvoirs de la Cour constitutionnelle (…) et élargir le droit de saisine de cette Cour à tous les citoyens qui souhaitent contester la constitutionnalité d’une loi tant par voie d’action que par voie d’exception».

C’est en formulant sa demande de «renforcer les pouvoirs de la Cour des comptes à travers une loi organique» que l’Association des magistrats a pointé un doigt accusateur sur «l’actuel Garde des sceaux, Alphonse Charles Wright, qui confond auditeurs de justice et auditeurs de la Cour des comptes». Aussi, l’AMG dit souhaiter désormais «qu’aucun ancien ministre des finances ou du budget ne soit nommé président de cette cour».

Réquisitoire

La communication présentée par le Secrétaire général de l’AMG dénonce les menées subversives du ministre Wright.

«L’AMG estime que ce débat qui est une première dans notre cher pays, est le moment approprié d’attirer l’attention des honorables représentants du peuple de Guinée ici présents sur les violations flagrantes des lois relatives à la bonne administration du service publique de la justice guinéenne, auxquelles il faut remédier sans délai, dans l’intérêt d’une bonne transition».

De ce point de vue, l’organisation suggère «au CNT d’avoir un regard particulier sur la loi organique portant statut des magistrats, dont les dispositions relatives à la mise en mouvement de l’action disciplinaire sont régulièrement et sciemment violées par l’actuel Garde de sceaux» Alphonse Charles Wright.

Pour son comportement, l’AMG affirme que le «Garde des sceaux (…) est en train de mener sa propre transition dans cette transition avec pour corollaires : la théâtralisation, la désacralisation, la banalisation et l’infantilisation de la justice à travers des actes qui sont contraires à l’esprit du discours de prise du pouvoir par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD)».

Abdoulaye Israël Kpoghomou cite «les publications intempestives des actes de procédures, injonctions, ainsi que des actes administratifs, arrêtés de suspensions des magistrats, sur les réseaux sociaux, au mépris répété de la loi, la volonté de traumatiser les magistrats, de les humilier et de les soumettre coûte que coûte, constituent aujourd’hui des indicateurs sérieux qui doivent alerter les autorités de la transition sur la volonté du Garde des sceaux de réécrire l’histoire de la justice guinéenne».

Dans la même verve, «l’AMG dénonce les persécutions, les menaces et les chantages au décret effectués contre les magistrats par le Garde des sceaux et interpelle avec déférence les autorités de la transition sur l’atmosphère délétère et le malaise profond qui règne actuellement au sein de la justice guinéenne qui a urgemment besoin d’un sauvetage».  

Le réquisitoire dressé incrimine aussi le président du CNT  qui «a été un acteur important de l’adoption de la loi 054/CNT/2010 portant statut des magistrats» et ses homologues des autres  institutions de la transition pour leur silence  face à la situation qui prévaut à la «justice qui est actuellement au bord du gouffre».

L’AMG explique que tout le mal de la justice guinéenne est le fait d’avoir «un Garde des sceaux, Ministre de la justice et des droits de l’Homme, auteur de la violation récurrente de certaines lois de la République et peu porté sur les questions des droits de l’Homme».

Et que «l’exemple le plus éloquent est la persécution que subissent son Président Mohamed Diawara et son Secrétaire général, Abdoulaye Israël Kpogomou, arbitrairement suspendus de leurs fonctions et tendancieusement traduits devant le CSM (Conseil supérieur de la magistrature) dans un climat de règlement de comptes, en violation flagrante des dispositions de la loi organique 054/CNT/2010 portant statut des magistrats.»

A l’avenir, l’AMG « recommande que les prérogatives de suspension des magistrats par le Garde des sceaux soient rigoureusement encadrées par la future loi organique portant Statut des magistrats et subordonnées à un avis préalable du CSM, pour éviter des décisions aux relents de règlements de comptes visant à entacher la carrière des Magistrats méritants dont l’attachement aux valeurs qui incarne la magistrature dérange.»

Sur ce point, elle suggère également «qu’aucune nomination ne soit désormais faite par le Garde des sceaux par voie d’arrêté afin d’éviter une instrumentalisation de la justice à des fins personnelles.»

L’Association des magistrats de Guinée qui dépeint de manière fidèle la situation qui prévaut dans le système judiciaire sous le magistère Wright se présente comme une «sentinelle de l’État de droit (…) soucieuse de la réussite de cette transition».

Par Gordio Kane

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