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El Hadj Habib HANN, Vice-Président CGE-GUI : « Je le dis aux investisseurs étrangers : tout est à faire aujourd’hui en Guinée ! »

Dans ce pays qualifié jadis de « scandale géologique » tant les ressources minières y sont importantes, les choses bougent désormais. Rencontre avec l’ancien patron des patrons qui s’évertue à fusionner les différentes organisations patronales pour créer une véritable synergie d’action du secteur privé.
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Un entretien exclusif de notre envoyé spécial à Conakry (Guinée),
Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
APP – À l’image du pays, le Patronat guinéen n’est-il pas en pleine reconstruction ?
El Hadj Habib HANN – C’est parfaitement exact. La CGE-GUI (Confédération Générale des Entreprises de Guinée), dont je suis aujourd’hui le Vice-Président chargé de la gouvernance, c’est le nouveau Patronat. C’est le fruit de la fusion de quatre anciens patronats récemment dissous, dont le Conseil National du Patronat de Guinée (CNP) que je présidai, et trois autres structures parallèles qui évoluaient dans des conditions difficiles…
À l’occasion de l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe de transition qui gouverne notre pays et à l’invitation du nouveau chef de l’État, j’ai sollicité publiquement que l’on accepte de fusionner ces différents patronats et que l’on mette en place les structures qui manquent – notamment la Chambre de Commerce et d’Industrie – et que les patronats soient unifiés.
C’est donc le résultat de cette démarche voulue et entendue par Son Excellence Monsieur le président de la République qui nous a conduit à accepter de fusionner ces quatre patronats. La pression était forte ces dernières années car la déconfiture du CNP avait provoqué la naissance d’autres structures patronales.
APP – Si je vous comprends bien, cette fusion des différents patronats est une conséquence directe de l’arrivée au pouvoir du Colonel Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021 ?
El Hadj Habib HANN – C’est en effet à la suite de son arrivée au pouvoir que l’on a jugé utile de dépassionner un peu les visions des acteurs économiques et des politiques vis-à-vis du secteur privé. Ma vision était de conduire les nouvelles autorités de la Transition à ne pas politiser les structures patronales et à ne pas les instrumentaliser.
Le but, c’était d’amener tout le monde autour de la table et de créer une structure assez forte et solide, et de répondre ainsi aux attentes de tous nos partenaires, des opérateurs économiques comme des autorités de la transition et des médias pour que vous ayez tous un interlocuteur unique digne de confiance et représentatif, à l’image des autres patronats qui existent à travers le monde.
APP – Quelles sont vos priorités pour que le secteur privé retrouve ici toute sa place, nécessaire à la relance économique du pays ?
El Hadj Habib HANN – Notre priorité est d’arriver d’abord à fusionner toutes les structures socio-professionnelles et à toiletter complètement le secteur privé. Et de dégager ainsi des thématiques qui vont permettre à ce nouveau bureau d’examiner les problématiques par branche d’activités socio-professionnelles et de se rapprocher du nouveau gouvernement guinéen pour trouver avec lui des pistes de solution.
Cette structure est pour le moment provisoire car nous n’avons pas encore tenu le Congrès électif, mais il fallait avancer et faire un premier pas.
APP – Le patronat, n’est-ce pas pour vous une véritable affaire de famille ?
El Hadj Habib HANN – Notre famille est en effet connue depuis un siècle. Mon père, El Hadj Aboubacar Hann, a été le premier Président du Patronat. C’est lui qui a créé le CNP de Guinée et j’ai mis mes pas dans les siens. Celui qui lui a succédé en 1998 pour 18 ans à la tête du Patronat, Mamadou Sylla, fut un ami d’enfance qui est venu avec nous. Nous avons ainsi maîtrisé ensemble les règles de gestion et d’administration de notre corporation. Puis je lui ai succédé à mon tour en décembre 2016.
Le Patronat, c’est le syndicat des employeurs, le syndicat des entreprises socio-professionnelles. Depuis un an, je communique très peu car nous essayons de reconstruire un Patronat unique, représentatif et efficace. Donnons-nous la main car nous sommes dans l’attente d’une réelle fusion et synergie d’action.
APP – La première édition de la SENAMIC (Semaine Nationale des Métiers de l’Information et de la Communication) vient de se tenir à Conakry. Cet événement vous a-t-il semblé utile à l’image du pays ?
El Hadj Habib HANN – Certainement. Car c’est une des clés de communication qui permet de redonner un regain de conscience et et confiance aux acteurs politiques et aux opérateurs économiques du pays qui peuvent être influencés par les multinationales quand ils se retrouvent face à des besoins primaires de la population.
Cette initiative, prise par Mme Aminata Kaba, ministre de l’Information et de la Communication, est donc à saluer comme une démarche extraordinairement positive. À travers panels et débats de haut niveau, cette semaine a contribué à l’amélioration du climat des affaires.
APP – Revenons à vos affaires. Personnellement, vous êtes dans quels secteurs d’activités ?
El Hadj Habib HANN – J’appartiens à une famille, la famille Hann qui constitue en elle-même un important groupe d’activités. Nous avons ainsi mis en place ici la Société Générale de Banques en Guinée qui est la première banque du pays et dont nous sommes actionnaires. Nous avons plusieurs compagnies d’assurance comme la SONAG, ce qui constitue une deuxième branche d’activités dans le monde de la finance.
Parallèlement à tout cela, je suis personnellement dans le secteur pétrolier et ma famille aussi qui y a des parts importantes. Tous les acteurs de ce secteur sont enregistrés dans une structure la SGP (Société Guinéenne des Pétroles) et cette société est composée de Total, Shell, la COPEG et la GAIP qui est affiliée directement à moi.
Nous sommes également les plus grands transporteurs routiers du pays. Ce fut l’activité de base créée par feu mon père et disposant toujours de plus de 300 camions de grand tonnage
Mais nous sommes également dans le secteur minier avec les mines de bauxite dont la Guinée est l’un des premiers producteurs au monde, les mines de fer, les carrières de granit et tout ce qui s’en suit. Sans oublier l’agro-business, puisque nous sommes en train d’installer la plus grande usine de transformation de manioc qui va faire 150 000 tonnes/an pour l’extraction de l’amidon.
Tout cela est le fuit de notre développement depuis des années. Grâce à l’émergence du secteur privé dans notre pays, on a diversifié nos activités et on s’est positionné dans différentes branches.
APP – Pouvez-vous nous en dire plus sur vos activités bancaires et la Société Générale ?
El Hadj Habib HANN – Je suis personnellement actionnaire et administrateur de la Société Générale, qui est aujourd’hui la première banque de Guinée en matière de positionnement et de liquidités. Notre rôle principal est d’assister la banque dans ses différentes activités dans un pays très complexe. Il nous faut toiletter le portefeuille et faire beaucoup d’autres choses dont je ne peux rien vous dire en raison du secret bancaire… Mais nous sommes dans une réelle dynamique qui permet de développer la branche bancaire dans le pays.
Même si le groupe Société Générale s’est retiré de plusieurs pays africains, la Société Générale est ici bien présente et active. Nous venons d’ailleurs d’inaugurer son nouveau siège à Conakry.
APP – Pour élargir notre débat, comment se porte aujourd’hui l’économie guinéenne ?
El Hadj Habib HANN – La Guinée est avant tout un pays riche et même très riche en ressources minières. Comme le disait l’ancien Président Alpha Condé, la Guinée est « un scandale géologique » puisque l’on y trouve tout ce que vous pouvez imaginer (la bauxite, le fer, etc.) ainsi que d’importantes ressources énergétiques. C’est peut-être un scandale, mais c’est bien surtout une réalité.
La vision que nous avons est donc d’arriver à conduire les acteurs du secteur privé à s’intéresser au développement durable, à avoir des activités pérennes et à créer des multinationales. Nous essayons de travailler dans ces différents secteurs d’activités pour qu’il y ait un leadership guinéen dans le pétrole, un leadership dans le secteur minier et ainsi de suite… Tout cela va permettre de sortir le pays des difficultés dans lequel il est encore présentement.
APP – Comment celle-ci peut-elle précisément retrouver un nouveau souffle grâce au secteur privé ?
El Hadj Habib HANN – Le monde et les temps changent et il est donc nécessaire de nous adapter pour que l’économie guinéenne retrouve un nouveau souffle, comme vous le dites si bien. J’ai participé à de nombreux fora à l’étranger comme l’IBM (International Business Meetings) de Longchamp (en France) en août 2021 et, à l’occasion de toutes ces rencontres internationales, j’explique toujours que l’Afrique en général et la Guinée en particulier ont besoin d’avoir ce que l’on pourrait appeler une « nouvelle vision économique » pour faire face aux mutations de notre époque. La vision qui nous amine, c’est d’arriver aujourd’hui à avoir des partenariats « gagnant-gagnant » avec nos partenaires qu’ils soient en Europe, en Amérique ou en Asie.
APP – Mais que dites-vous de particulier aux investisseurs français ?
El Hadj Habib HANN – J’ai souvent dit à nos partenaires français : « Vous avez un avantage et une position prédominante car vous connaissez mieux la Guinée que toutes les autres nations du monde et malheureusement on ne sent pas trop la présence française actuellement dans les activités économiques du pays ».
Mettant trop facilement en avant des risques économiques et sécuritaires, ils laissent trop souvent la place à d’autres pour s’installer en Guinée : les Chinois, les Turcs, etc.
Or je pense vraiment qu’en raison notamment de notre histoire commune et grâce à notre langue commune, l’on peut mieux se comprendre et travailler avec les Français. C’est une évidence !
Et je dis cela malgré les capitaux énormes qui proviennent de la Chine et d’ailleurs, ce qui est important c’est qu’en matière de formation, de transfert de technologie, de renforcement des capacités, la langue est très importante et cette option ne doit pas être négligée. Il faudrait que la France et nos partenaires français comprennent ce langage, jouent leur rôle et soient là !
APP – Votre message est donc très clair, mais peut-il être entendu ?
El Hadj Habib HANN – J’ai déjà attiré l’attention des bailleurs de fonds à ce sujet et je l’ai dit publiquement lors d’une grande rencontre nationale au Palais du Peuple : « Pendant que certains investisseurs éventuels – comme les Français souvent trop frileux font des études de faisabilité et de rentabilité –, d’autres comme les Chinois viennent de suite avec des capitaux, prennent des mines, s’installent et exploitent… ».
Mais notre vision aujourd’hui n’est pas d’avoir des exploitations anarchiques des matières premières dont regorge notre pays, mais d’arriver à transformer sur place pour qu’il y ait une réelle plus-value pour la Guinée. Une plus-value qui crée de l’emploi, développe les PME et devienne le référentiel de nos entreprises… Nous tendons la main à tout le monde, car la compétitivité entre nos différents partenaires nous sert, bien entendu.
La jeunesse africaine de cette génération a été formée par les Occidentaux à Paris, Londres, Bruxelles ou Washington et acquis une certaine expérience à travers des stages ou des emplois qu’elle a eu à l’étranger et elle a ainsi participé à l’importation de cette technologie. On a donc besoin que toutes ces compétences s’affirment ici dans le pays, pour transformer les matières premières dans notre pays afin de créer de l’emploi et d’industrialiser de nombreux secteurs d’activités.
APP – D’où la mise en place d’une structure dédiée à l’industrialisation du pays…
El Hadj Habib HANN – Le Guinée Business Forum est en effet une structure paritaire mise en place entre l’État et le secteur privé qui permet de recenser, discuter et trouver des pistes de solution à toutes les problématiques qui se posent à l’économie nationale.
APP – Comment faire vivre ici une véritable Francophonie économique ?
El Hadj Habib HANN – La Francophonie, c’est une très belle idée et notre langue commune, comme je le disais tantôt, est un outil important pour les affaires, mais l’essentiel ce sont les partenariats « gagnant-gagnant » entre les Africains et la France. Aujourd’hui, la France est une grande puissance, tout le monde le sait. Vous avez toutes les technologies et expertises du monde, mais aujourd’hui on ne peut pas courtiser d’autres pays et ignorer la France, ce n’est pas possible.
À partir du moment où des Français acceptent d’investir dans un pays qu’ils connaissent parfaitement, dans une langue qu’ils maîtrisent, cette Francophonie économique devient réalité et s’impose d’elle-même, mais encore faudrait-il que cette vision de la Francophonie se matérialise par des projets et des investissements.
La vision des Occidentaux et particulièrement des Français doit changer. Ils se doivent d’être plus impliqués sur le terrain en Afrique et plus proches des réalités, avec un souci permanent de formation de la jeunesse et de transfert de technologies.
APP – Qu’est-ce qui freine les affaires aujourd’hui dans votre pays ?
El Hadj Habib HANN – Les réalités sont là et conduisent à une stagnation des différents processus de mutation et de développement du pays. Je prends un exemple concret avec le financement lié au secteur bancaire. En Guinée, vous avez des banques commerciales, mais pas de banque d’investissement – pas une seule – qui puisse vous accorder des financements sur des périodes assez longues de 20 ou 25 ans pour des projets à long terme dans les infrastructures ou dans l’immobilier. Cela gèle bien évidemment les activités des entreprises et freine le développement du secteur privé guinéen.
La Guinée ne disparaîtra jamais, c’est clair, mais un investissement conséquent se fait souvent sur le long terme et n’est vraiment rentable qu’au bout de longues années.
Tous les pays de la sous-région se sont développés, comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal… La Guinée se trouve donc dans un cercle où le décollage économique – qu’on le veuille ou non – devient automatique. Autant se positionner pour participer à ce changement. En Guinée, vous n’avez que deux ou trois entreprises de BTP alors que vous en avez une cinquantaine en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso ou au Nigeria. Tout est donc à faire dans ce pays.
Mais pour s’adapter efficacement à ces mutations, la France comme l’Union européenne doivent être capables de dissocier la gestion économique par rapport à la situation socio-politique.
La deuxième condition, c’est le respect des textes pour sécuriser les investissements et rassurer nos partenaires du développement et les bailleurs de fonds. Puis il nous faut enfin des accords nouveaux qui permettent de développer le secteur privé. Car le secteur privé est un vecteur de croissance et un vecteur de mobilisation de capitaux énormes pour développer le pays.
APP – Dans ce contexte, les PPP vous semblent-ils être utiles à la Guinée ?
El Hadj Habib HANN – Pour les grands projets qui nécessitent l’implication de l’État, les PPP (Partenariats Publics/Privés) peuvent être utiles et nécessaires car l’État se sentira plus impliqué dans les PPP. Mais – comme je le souligne dans toutes mes interventions à l’étranger en faveur des investissements en Guinée – nous avons avant tout besoin d’une réflexion sur un nouvel ordre économique africain. C’est une opportunité qui va permettre d’effectuer un virage positif et de sécuriser les bailleurs de fonds.
Pour que la jeunesse africaine ne se sente pas dupée car l’Afrique est comme un petit bonhomme qui marche à petits pas à côté d’un éléphant que représentent les multinationales. L’intelligence de situation serait donc de dire aux multinationales : on s’accroche à vos pieds, on grimpe sur l’éléphant mais avançons ensemble pour que la Guinée s’en sorte au mieux.
APP – La ZLECAF peut-elle participer à l’accélération du développement du pays ?
El Hadj Habib HANN – Elle ne peut-être que salutaire. Même si les réalités politiques et économiques sont différentes dans chacun de nos pays, toute l’Afrique se retrouve aujourd’hui dans le besoin d’aide et d’assistance financière.
C’est pourquoi j’insiste à nouveau sur la nécessité d’un nouvel ordre économique pour l’Afrique. Avec pour objectif de multiplier les partenariats « gagnant/gagnant » entre les multinationales et les structures décentralisées de chaque pays. C’est la clé de la réussite économique.
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