Leader du PRP et membre actif de l’ANAD, Rafiou Sow, s’exprime avec détermination sur la situation actuelle de la Guinée. Il dénonce des problèmes pressants tout en proposant des solutions innovantes. Ce diplômé en ingénierie de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse et natif de Fria, réalise une analyse approfondie de la conjoncture actuelle. Dans son franc-parler caractéristique et sa philosophie de la realpolitik, Sow souligne l’urgence d’un retour à l’ordre constitutionnel et à la démocratie, afin de sauver la Guinée du péril putschiste.
Le Populaire : Bonjour Rafiou Sow. Vous êtes un acteur clé de l’opposition et l’un des rares à manifester votre solidarité envers Aliou Bah, qui a été arrêté pour outrage au chef de l’État. Comment avez-vous accueilli le verdict de la Cour d’appel de Conakry confirmant sa condamnation à deux ans de prison ?
Rafiou Sow : C’est avec consternation et tristesse que j’ai appris la confirmation de la peine de deux ans prononcée contre mon cher collègue et frère, le président Aliou Bah du Model. Il est condamné tout simplement pour avoir exercé son droit politique et apporté sa contribution à la transition politique en cours dans notre pays.
Je considère qu’il est injuste et infondé de priver un acteur politique de ses droits pour si peu. C’est un recul démocratique sans précédent en Guinée au cours des quarante dernières années. Je ne pensais pas qu’après tant de sacrifices consentis pour la lutte démocratique, nous arriverions à un tel niveau. Nous, forces vives de Guinée, dénonçons avec vigueur cet état de fait. Nous réclamons la libération de tous les détenus politiques et l’ouverture d’une enquête sérieuse pour retrouver nos collègues kidnappés, ainsi que le journaliste Habib Marouane Camara. Nous appelons le général Mamadi Doumbouya à diligenter ces différentes actions.
Vous êtes un leader de parti membre de l’ANAD, présidée par Cellou Dalein Diallo. Que pensez-vous des actions qu’il mène à l’étranger pour contribuer à un retour rapide à l’ordre constitutionnel et à la consolidation de l’État de droit ?
Le président de l’ANAD, Cellou Dalein Diallo, est aujourd’hui le Baobab de la classe politique guinéenne. Son apport est considérable pour le retour à l’ordre constitutionnel et l’ancrage d’une démocratie effective, respectueuse des droits et libertés de toutes les personnes vivant sur le sol guinéen, en particulier, et en Afrique, en général. Il ne ménage aucun effort, même au détriment de sa vie familiale. Depuis des années, il consacre sa vie à la lutte démocratique en Guinée.
Que vous inspirent les récents événements politiques, notamment le recensement en cours, les vagues d’allégeance au régime du général Mamadi Doumbouya et les mouvements de soutien qui appellent à une candidature du président Doumbouya aux futures élections ?
Écoutez, nous ne comprenons rien de ce recensement actuel. Nous n’y sommes pas associés, car ils refusent d’établir un cadre de dialogue inclusif et consensuel. Pour nous, c’est simplement une manière de dilapider de l’argent public. En période de transition, le seul recensement qui vaille est celui lié aux élections. Concernant les mouvements de soutien à la confiscation du pouvoir, ils sont tout simplement criminels, car ils appellent à la violation de la charte de la transition qui fait office de constitution durant cette période.
Notez bien qu’il n’existe juridiquement aucune possibilité de candidature pour un président durant la transition. Il n’est pas possible de promulguer une quelconque constitution pendant que le général Doumbouya continue d’être chef de l’État et d’organiser des élections en Guinée. Nous appelons au respect de la charte de la transition et aux engagements pris.
À votre avis, que faut-il faire, tant au niveau de l’exécutif que de l’opposition, pour réussir à organiser le référendum constitutionnel programmé en septembre 2025 ?
Il faut soit mettre en place un Cadre de Dialogue Inclusif et Décisionnel où toutes les décisions concernant la conduite de la transition sont prises, soit constituer une nouvelle équipe de gestion de la transition, avec un nouveau président civil, un gouvernement d’union nationale et un nouveau CNT composé d’une dizaine de membres, incluant des politiques et des membres de la société civile, de préférence des juristes.
Pour vous, au sein de l’alliance ANAD, pensez-vous qu’il est possible, malgré l’exil de certains ténors, de rivaliser et de battre les mouvements politiques soutenant une candidature du président Doumbouya ?
À notre niveau, il n’y a aucune possibilité d’envisager une candidature légale du général Mamadi Doumbouya. De même, il n’y a aucune possibilité d’envisager une élection sans un cadre de dialogue inclusif et décisionnel. Par ailleurs, il est impensable d’organiser une élection sans le retour du président de l’ANAD et de tous les membres des forces vives de Guinée qui sont en exil forcé.
Vous avez récemment assisté à la remise du flambeau au président Doumbouya par son homologue gabonais, le général Brice Olingui Guema, lors de son investiture. Que signifie cet événement pour vous ?
Cela signifie tout simplement que le président Olingui a organisé une élection présidentielle dans le respect de la charte qui encadrait leur transition, et qui n’interdisait pas au président Brice de se porter candidat, alors que cela est interdit pour le nôtre. Cela souligne l’urgence du retour à l’ordre constitutionnel dans le respect de notre charte.
Comment avez-vous perçu la visite du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko à Conakry, coïncidant avec la rencontre entre le chef de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, et l’ancien président sénégalais, Macky Sall, à Marrakech, tous deux invités par la fondation Mo Ibrahim ?
C’est une simple coïncidence ! Je suis déçu que le Premier ministre Sonko vienne en Guinée pour parler uniquement de questions économiques et se taise sur les exactions politiques que subissent les Guinéens. Nous pensions que son combat pour les droits et libertés ne se limitait pas au Sénégal. Mais bon, la lutte continue à notre niveau et nous remercions tous ceux qui œuvrent à travers le monde pour une Guinée démocratique.
Face aux défis qui se posent à lui, comment se porte votre parti, le PRP ?
Le PRP se porte à merveille. Nous sommes en phase de finalisation de nos objectifs, d’expansion des fédérations et de sensibilisation de nos militants à travers le pays et à l’étranger. Nous poursuivons notre lutte pour le retour à l’ordre constitutionnel.
Comment appréhendez-vous le dernier trimestre politique de cette année électorale, annoncé par le chef de l’État et récemment confirmé à Abidjan par le Premier ministre Bah Oury ?
Écoutez ! Pour qu’il y ait des élections ici, un préalable est nécessaire. Il faut mettre en place un cadre de dialogue inclusif et décisionnel. C’est aussi simple que cela.
Pour conclure cette entrevue, quel message souhaitez-vous adresser à vos compatriotes?
Je demande aux militants du PRP, de l’ANAD et aux Guinéens en général, qui aspirent à une démocratie effective et à la promotion des droits et libertés, de se mobiliser pour la lutte démocratique et de refuser toute forme de confiscation du pouvoir.
Réalisée par Alpha A. Diallo
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