Entre les «pour» et les «contre» la pérennisation du régime militaire, un duel est annoncé. Le Fndc, mouvement pro-démocratie a exprimé, vendredi 1er juillet 2022 son ras-le-bol. Il est soutenu par des activistes de la société civile arborant t-shirts et casquettes rouges. Il avait reporté sa manifestation du 23 juin pour accorder une chance à l’établissement d’un cadre de dialogue politique par le pouvoir militaire. A partir de cette semaine, le choc entre les protagonistes pour avoir le contrôle du pouvoir suprême en Guinée peut commencer.
Le choc est évitable. Mais le pilier sur lequel les pro-démocraties et les pro-juntes devraient se tenir n’a pas été planté. C’est le cadre de dialogue. Les bons samaritains qui auraient pu contenir la colère des uns et des autres sont malheureusement occupés à discourir ou à se remplir la panse. Et le voisin de la Cédéao a beau fait des pieds et des mains, le pouvoir en place a continué à rester de marbre. A quoi peut s’attendre une telle situation ?
Comme lui, plusieurs plateformes de la société civile et coalitions de partis politiques ont participé à la première journée du cadre de concertation et de dialogue inclusif, organisée sous la présidence du Premier ministre Mohamed Béavogui à Conakry, le lundi 27 juin 2022. Au nombre des faîtières d’organisations politiques, on comptait la présence de représentants de l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (Anad).
Échec au démarrage
Au nom de cette structure favorable au soutien de la candidature de l’homme politique Cellou Dalein Diallo aux futures échéances électorales, son Vice-président, Fodé Oussou Fofana, a exprimé sa déception quant il a suivi le déroulement des travaux de la première journée du cadre de concertation et dialogue. Au sortir de la rencontre, M. Fofana a qualifié de « Mamaya » les travaux présidés par le Premier ministre.
Ce qui a choqué les invités c’est surtout quand M. Béavogui a demandé aux différentes parties prenantes d’apporter leurs contributions écrites le vendredi 3 juillet 2022 alors que des mémorandums ont été formulés à cet effet et remis lors des rencontres précédentes avec les autorités de la transition.
Le Fndc était représenté par l’activiste Mamadou Billo Bah. Ce mouvement de la société civile, à l’origine de la riposte contre le mandat de trop de l’ancien président Alpha Condé, avait reporté sa marche initialement prévue le jeudi 23 juin 2022 pour donner une chance à la réussite du dialogue inter-guinéen appelé par le Premier ministre Mohamed Béavogui.
Devant l’assistance, M. Bah a porté la voix du Fndc qui, dit-il, «est résolument engagée à contribuer à la mise en place d’un cadre permanent de dialogue regroupant des entités sociales et politiques qui ont des revendications sur la conduite de la transition.»
«Revendications»
Au nombre de cinq, ces «revendications» du Fndc portent sur « la création d’un cadre permanent de dialogue regroupant les forces vives de la nation conformément à l’article 77 de la Charte de la transition et placé sous l’auspice d’un médiateur désigné par la communauté internationale, l’ouverture des procès sur les crimes de sang lors de la lutte contre le 3 mandat, la publication de la liste nominative des membres du Cnrd, la déclaration des biens des membres du Cnrd, du gouvernement et des responsables des institutions républicaines et le respect des droits de l’homme».
vant M. Bah du Fndc et les autres orateurs, l’ancien député de Dixinn, Aboubacar Soumah, qui a été le premier à s’exprimer lorsque le Premier ministre a fait son discours introductif, a sollicité la relaxe des anciens dignitaires détenus à la Maison centrale de Coronthie par la Cour de répression des délits économiques et financiers (crief) et la fin des poursuites engagées contre Cellou Dalein Diallo leader du principal parti politique guinéen dont la résidence située à Dixinn-port a été démolie et d’autres de ses propriétés situées hors de Conakry saisies par les nouvelles autorités du pays.
Selon M. Soumah qui est le président de la formation politique dénommée Guinée pour la démocratie et l’équilibre (Gde), libérer les leaders politiques incarcérés permettrait à tous les partis politiques y compris le Rpg Arc-en-ciel, l’ancien parti au pouvoir, d’avoir des garanties pour venir au tour de la table.
- «Vous ne pouvez pas demander à un leader politique de venir ici, ou un parti politique pendant que son président est en prison. Vous ne pouvez pas non plus demander à un parti politique d’être là pendant que la maison de son leader est en train d’être cassée. Je vous prie, vous qui avez fait les institutions internationales, d’utiliser votre diplomatie pour que ce dialogue réussisse», avait plaidé Aboubacar Soumah.
«La transition est éminemment politique, elle ne peut pas se dérouler en dehors de la classe existante. On ne peut pas en créer autre. Seul le peuple dira nous ne voulons pas de tel candidat, nous ne voulons pas de tel monsieur ou de telle femme», a ajouté M. Soumah.
Chuchotements
Notons que les discours de MM. Bah et Soumah ont soulevé un tonnerre d’applaudissements dans la salle de l’hôtel Kaloum.
La suite de la rencontre a été un constat d’échec. Plusieurs délégations n’ont pas attendu la fin de la rencontre pour quitter la salle en chuchotant.
Ceux qui avaient tout abandonné pour répondre à l’appel du dialogue sont repartis déçus du Premier ministre.
A quoi donc s’attendre à partir de la semaine qui commence ce lundi si ce n’est le choc entre les protagonistes pour avoir le contrôle du pouvoir suprême en Guinée peut commencer ? Signe de gros temps sur le régime du colonel Doumbouya..
Par Gordio Kane
(article paru dans Le Populaire du lundi 4 juillet 2022)