Dr Galissa Hady Diallo: Avant toute chose je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer à travers votre média. Ceci étant dit, je suis Galissa Hady Diallo, Docteur en droit public économique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. J’ai travaillé sur la transposition du pouvoir administratif exorbitant en droit de la régulation économique.
Les principaux sujets développés dans ma thèse portent entre autres sur l’Ordre public économique, la régulation des secteurs de l’énergie, des télécoms, des médias, de la concurrence et la très complexe question relative à la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCBFT).
Le tout dans une économie mondialisée avec toutes ses caractéristiques. Je suis par ailleurs essayiste et engagé citoyen en tant que coordinateur de l’ONG Perspectives Guinée. Je suis Gérant du Cabinet Loi & Lumière. Associé avec Madame Adama Garanké Diallo, diplômée de l’ENASS Paris et ayant une pertinente expérience dans la conformité et la gestion de projets dans plusieurs multinationales. Pour plus de détails, prière de voir notre site internet : www.loilumiere.com
Deux éléments me permettent de répondre à cette question. Premièrement, j’ai cru comprendre que les spécialistes en Droit économique en Guinée sont rares pour ne pas dire inexistants. Je mesure donc, malgré moi, la responsabilité qui est la mienne. Il y a certes des diplômés en masters en droit économique mais pour ce qui est du doctorat, pour l’instant je n’en connais pas d’au-tres dans le pays.
Et au regard de l’importance de ce domaine dans la gouvernance et l’intérêt de la transparence de la vie publique, il est urgent d’accompagner ceux qui travaillent dans ce sens. Il y a d’autres doctorants aujourd’hui qui se battent tant bien que mal pour y arriver, ils ne devraient pas se sentir seuls, démunis.
Deuxièmement, et c’est le cœur de votre question. Au regard de ce qui vient d’être souligné, il était donc pour moi tout à fait logique d’impulser concrètement ce domaine par l’implantation du Cabinet Loi & Lumière en Guinée. Il faut souligner qu’il avait déjà été lancé à Paris en 2018 bien avant ma soutenance. Car j’avais mesuré l’enjeu et les perspectives que cela offrait aux entreprises et aux institutions dans notre pays.
Il faut préciser que nos expertises, mon associée et moi, s’adressent tant aux entreprises qu’aux institutions. Pour les premières, cela va de la restructuration à l’accompagne-ment dans la conformité, aussi bien dans le secteur de la banque, de l’assurance que les autres secteurs économiques. Pour les institutions, il y a nul besoin de réitérer la demande pressante en matière de politique législative et de régulation.
Vous n’ignorez pas que notre économie est certes comprise dans la mondialisation mais il n’en reste pas moins qu’elle regorge d’un certain nombre de spécificités, y compris son manque de dynamisme dû à l’envergure du secteur informel et la défaillance législative qui, en toute hypothèse, devrait s’extirper du mimétisme.
S’agissant de la régulation, elle est encore embryonnaire et ce à plusieurs égards. À en décortiquer les textes, on se rend compte que le maillage institutionnel, notamment le volet relevant des attributions du régulateur devant garantir son indépendance et son impartialité, devrait être amélioré.
Il en est de même de l’impact de la régulation sur le quotidien des consommateurs, par ailleurs citoyens. Je pense ici à l’Autorité de régulation de la Poste et des télécommunications (ARPT) et la cherté de l’accès à l’internet et les coûts téléphoniques comparativement au nombre d’opérateurs dans le pays.
A travers le Cabinet L & L, nous comptons accompagner les institutions dans la mise en œuvre d’une régulation effective et efficace. Tel pourrait être le cas de la Banque Centrale dans son rôle de régulateur économique et financier mais également de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ou l’ARPT pour ne citer que celles-ci.
La réponse me paraît presqu’évidente. Car quelle que soit l’implantation qu’on peut avoir ici ou là, lorsque le besoin est si ardent dans son pays, sa patrie, il faut trouver le mécanisme permettant de se rendre utile. L’ouverture de Loi & Lumière en Guinée s’inscrit dans cette logique. Il y a une forte demande en termes d’accès au droit aussi bien pour les particuliers, les entreprises que les Institutions.
Quelle est votre lecture de la situation qui prévaut dans votre domaine actuellement et quelles pistes de solutions proposeriez-vous ?
La situation est en phase d’éclosion. La régulation économique dans notre pays emboîte le pas à d’autres pays. Mais il faudrait aller plus loin, plus vite et avec plus de rigueur. Sur le plan institutionnel, il est urgent d’accélérer la mise en place des AAI, les Autorités administratives indépendantes. La Loi portant Statut général des AAI, adoptée en mars dernier par le CNT (Conseil national de la transition) s’inscrit dans le bon sens. Egalement, faudra-t-il penser à des autorités de régulation dans le secteur environnemental, de l’alimentation et de la restauration, des transports, et même une ossature un peu plus ambitieuse dans le secteur minier. Sans oublier la nécessité de placer à la tête de ces autorités des régulateurs ayant une forte culture institutionnelle.
L’autre lecture à souligner, c’est celle des entreprises. En dehors des multinationales qui ont la culture de la conformité ailleurs, il y a très peu d’acteurs économiques guinéens qui réalisent l’intérêt de se conformer à la législation et aux exigences du régulateur.
Pourtant, ce n’est qu’une question de temps. Les réformes arrivent. Donc autant commencer à épouser le formalisme et anticiper les risques de non-conformité. Mais bien au-delà, la difficulté est que bon nombre d’acteurs pensent que tout cela peut se faire en bloc. Ils s’attendent à une solution immédiate et livrée en une fois alors même que le conseil consiste en un accompagnement échelon-né et durable. Il y a donc un vrai défi de changement culturel.
Dites-nous votre avis sur cette pensée John Fitzgerald Kennedy, ancien président américain, selon laquelle : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays » ?
Cette assertion attribuée à Kennedy est si claire que je ne me permets pas d’y ajouter quoi que ce soit, si ce n’est que chacun de nous devrait s’en approprier tout en distinguant la responsabilité du pays, l’État, de celle des citoyens.
Merci Dr Galissa Diallo.
C’est à moi de remercier Le Populaire.
Entrevue Réalisée par Ahmed Tidiane Diallo