Daniel Couriol a été Directeur du Ccfg (Centre culturel franco-guinéen) de septembre 2011 à septembre2016. C’est un expert-consultant en développement culturel amoureux de la Guinée. Il est l’auteur de récits personnels, histoires de mémoires et politiques culturelles caractérisant trois œuvres spécifiquement consacrées à ce pays qui lui tient à cœur. Il réaffirme la puissance de son obsession et de sa passion pour la Guinée. En exclusivité.
Le Populaire : Vos trois ouvrages que vous consacrez à la Guinée est une déclaration d’affection cultivée pendant vos périodes de Directeur du Centre culturel franco guinéens Sory Kandia Kouyaté. C’est donc votre façon de contribuer à la culture guinéenne, en l’occurrence par le livre et la lecture ?
Mes trois ouvrages publiés chez l’Harmattan entre 2017 et2023 constituent une sorte de triptyque guinéen à partir de mon expérience de 2011 à 2016comme directeur du CFFG de Conakry et par le fait d’avoir gardé le contact avec nombre de personnalités et d’artistes guinéens depuis mon départ de Guinée fin 2017.Le premier Toi Guinée, tu m’as pris dans tes bras, publié en2017 s’est voulu le récit de mon expérience comme directeur du CCFG conjuguant souvenirs et témoignages. Il est sorti dans le cadre de Conakry, Capitale mondiale du Livre 2017, label majeur auquel j’avais contribué en extension du partenariat signé entre l’Harmattan et le CCFG de Conakry. A ce moment-là, j’ai été coopté au sein de l’Association des Ecrivains de Guinée présidée alors par mon ami Lamine Kamara, ancien Ministre des Affaires Etrangères de Guinée. Ce fut pour moi un très grand honneur. Le deuxième, Mieux vaut tard que jamais, sorti en 2020, s’est voulu l’écriture d’une part de l’histoire commune reliant la France et la Guinée sur les traces de six tirailleurs guinéens fusillés à Clamecy en Juin 1940.Clamecy est une commune de Bourgogne en France où je réside avec mon épouse Rabab depuis notre retour de Guinée. Enfin le troisième publié plus récemment, Vers une Politique culturelle en Guinée, est une forme d’appel pour que puisse émerger une politique culturelle forte, volontariste afin que les artistes puissent vivre de leur art et que la culture représente un socle fondateur de la nation guinéenne.
Votre premier ouvrage consacré à la Guinée sont des récits avec des hommes de culture guinéenne qui ont croisé votre chemin dans le cadre professionnel. C’était si nécessaire de partager vos expériences au peuple de Guinée ?
Je l’ai ressenti comme tel. Il y avait assez peu de littérature sur les pratiques culturelles en Guinée et sur l’histoire du CCFG qui est pourtant un lieu majeur entre deux pays amis, et un espace de dialogue interculturel. Chaque directeur, chaque équipe imprime bien sûr sa propre politique, qui elle-même peut évoluer en fonction des circonstances, des moyens alloués, des priorités de l’instant. Toujours est-il qu’il me paraissait essentiel de faire vivre le nom, franco-guinéen, d’impulser une véritable politique de création, notamment dans les secteurs du théâtre, de la musique, de la danse. J’ai pu réaliser un certain nombre de choses car j’ai été entouré d’une très belle équipe, grâce à une collaboration étroite et confiante avec nombre d’artistes guinéens, un soutien fort du Ministère de la Culture et de l’Ambassade de France et par le développement de nombreux partenariats avec des entreprises privées.
Vous vous plongez ensuite dans votre deuxième livre à la recherche de six guinéens, tirailleurs sénégalais qui sont morts pour la France pendant l’occupation française du régime Nazi. Pourquoi l’urgence de cette recherche ?
Parce que tous ces tirailleurs sénégalais venant de Guinée ou d’autres pays de l’Ouest de l’Afrique ont été victimes d’un oubli historique tant en France qu’en Guinée. Enrôlés souvent de force, pourquoi s’étaient-ils battus si vaillamment tous ces soldats africains ? Répondre à cette question, à mes yeux, ce n’est pas seulement pour rétablir leur mémoire. C’est aussi poser les jalons d’une relation entre la France et la Guinée basée sur l’exactitude et la fraternité. Quelque soit notre interprétation du passé, leur sacrifice doit nous interpeller et nous faire prendre conscience de notre responsabilité.
Puis, votre troisième livre ouvrage est un Essai sur la politique culturelle en Guinée. Vous invitez les guinéens, notamment les acteurs de la culture à se révéler pour changer le paradigme. Je vous cite : « Car, elle doit permettre aux artistes de vivre de leur art. Au peuple de Guinée d’y trouver les ressources d’une nation vivante, qui rayonne au plan international ». Le secteur culturel guinéen a de sérieux problèmes, n’est-ce pas ?
J’ai beaucoup échangé avec Ansoumane Djessira Condé (homme de théâtre et journaliste) pendant l’écriture de ce livre. Mon constat est paradoxal. C’est par la culture que la Guinée a obtenu une réputation méritée au plan international. La dernière grande victoire en date ayant été justement l’obtention du Label Capitale mondiale du Livre en 2017.Ce n’est pas rien. La ville qui lui a succédé en 2018 n’était autre qu’Athènes… Mais, dans le même temps, le chantier est immense. Car, au-delà des grandes déclarations de principe, combien d’artistes, de structures vivent réellement de leur pratique artistique ? Hélas, trop peu. Le chantier est tout à la fois celui de la définition d’une ligne directrice, de moyens à mettre en œuvre sans attendre de la part de l’Etat un contrôle de la production artistique. Car la culture est la pierre d’angle de la liberté et ce qui doit permettre à un État d’évoluer vers la notion de Nation. L’enjeu est donc considérable. Si j’ose dire. Affaire à suivre…
Vos ouvrages sont spécifiquement dédiés à la jeunesse. Vous avez certainement des messages à lui prodiguer, ainsi qu’aux artistes de tous les arts confondus ?
Oui, la jeunesse peut beaucoup mais elle mérite aussi de trouver des lieux d’apprentissage, de formation, de diffusion. Et pour cela ce sont les personnes en place qui ont une responsabilité historique. Il est également clair qu’elle peut s’engager dans l’écriture de son propre passé, que sa curiosité, son talent, ses envies peuvent la pousser à s’engager dans le vaste domaine de la création et de l’action. Pour cela, je demeure confiant.
Continuerez-vous vos contributions à la culture guinéenne au-delà de ses frontières ?
La culture n’a pas de réelle frontière. Il y a bien sûr, au cœur de chaque pays, des expressions culturelles spécifiques. Mais la culture est fondée sur les échanges, sur le dialogue, sur une trans formation permanente fruit de l’inventivité des hommes quelle que soit leur race ou leur religion. C’est la passion qui m’anime depuis toujours.
Entrevue réalisée
par Tidiane Diallo