par Bruno FANUCCHI à Conakry, pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
«Les meilleurs Guinéens, ce sont les Guinéennes», lance – sous un tonnerre d’applaudissements – Mme Aïcha Nanette Conté, ministre de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables, samedi à Conakry, lors de la cérémonie de clôture du lancement du Compendium des Compétences Féminines de Guinée (COCOFGUI). Car la ministre (© Junior Photo), qui a mobilisé ses six collègues femmes du gouvernement et pas moins de trois anciennes ministres des Affaires sociales, est fière d’avoir réussi son pari : pour l’événement, elle a rempli jusqu’à ras bord le Palais du Peuple, où siège actuellement le Conseil National de Transition (CNT) faisant office d’Assemblée nationale.
Mais qu’est-ce que le COCOFGUI? C’est une plateforme digitale, copie conforme du COCOFCI lancé il y a douze ans en Côte d’Ivoire par Mme Euphrasie Kouassi Yao, présente bien sûr à Conakry, et exporté pour la première fois dans un autre pays d’Afrique, et qui n’a pas été choisi au hasard : la Guinée..
7 ministres sur 27
sont des femmes
.Depuis l’avènement au pouvoir du Colonel Mamadi Doumbouya, le 5 septembre 2021, il y a deux ans, la Guinée vit en effet une période de transition, ou plus exactement de «refondation», et mise délibérément sur les femmes pour relancer l’économie et le développement du pays, où tout est à construire ou reconstruire. Avec 7 ministres femmes (sur 27), le gouvernement de la Transition montre l’exemple à bien des pays d’Afrique et d’ailleurs.
«Le COCOFGUI est né et je suis en joie, se félicite Mme Yao, car c’est un programme de développement que la Guinée doit s’approprier et qui vise à ce que des femmes fortes et compétentes puissent émerger et s’imposer à tous les échelons de la société guinéenne pour développer votre pays». Initiatrice du COCOFCI et Conseillère Genre du Président ivoirien, elle est particulièrement heureuse que son Programme ait déjà fait des petits.
La Guinée n’est-elle pas «le pays des femmes», comme nous le rappelle le slogan de l’événement en langue soussou «Guiné kha fe», qui pourrait se traduire par «la cause des femmes» ?.
«Faisons du COCOFGUI
notre programme»
Les nouvelles autorités de Conakry prennent très à cœur cette initiative originale, mais concrète, et s’investissent pour sa pleine réussite. Preuve en est : c’est la Première Dame de Guinée elle-même, Mme Lauriane Doumbouya, qui a ouvert les travaux du Forum (© Junior Photo) en soulignant que «cet événement marque un moment historique dans le système de sélection de l’égalité des sexes et de reconnaissance du rôle essentiel des femmes dans tous les aspects de la vie de notre société».
Et la Première Dame d’ajouter : «Le Compendium sera une base de données précieuses qui permettra aux décideurs du secteur public et privé, à chaque rencontre, de reconnaître et d’apprécier les talents et l’expertise des femmes dans tous les domaines, qu’il s’agisse des finances, de la technologie, de l’art, de la politique de l’éducation, de la médecine, de l’entrepreneuriat, de l’agriculture et de l’artisanat (…) Braves femmes de Guinée, faisons du COCOFGUI notre programme!», a-t-elle déclaré, après avoir très clairement rappelé que «le Compendium est né d’une volonté politique exprimée par la plus haute autorité du pays et mise en œuvre par le gouvernement avec la collaboration des partenaires techniques et financiers».
Représentant Résidant du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) à Conakry, M. Luc-Joël Gregoire, qui a porté à bout de bras depuis plusieurs mois ce beau projet avec la ministre de la Promotion féminine, salue d’ailleurs Mme Aïcha Nanette Conté comme l’ «artisane d’un acte majeur dans la construction d’une Nation». Tant il est vrai que les grandes réformes en faveur de l’autonomisation des femmes doivent passer avant tout par des actes concrets..
«L’instruction n’est pas faite que pour
les hommes. Envoyez vos filles à l’école!»
.«Nous sommes en train de voir un rêve en passe de se réaliser. Dans ce contexte de la Transition, c’est la possibilité de mettre en œuvre des propositions audacieuses qui vont se matérialiser en faveur des femmes», estime pour sa part la Vice-Présidente du CNT, Mme Maimouna Yombouno Bangoura, en rappelant «le long combat économique des femmes» pour acquérir une «indépendance financière» et donc une plus grande liberté dans leur vie quotidienne entravée jusqu’à présent par une société très machiste où les pesanteurs sont encore nombreuses.
D’où l’importance sans cesse rappelée – au cours des différents panels de ce Forum – aux femmes qui vont s’inscrire sur la plateforme du Compendium si elles veulent changer le visage de la société : «L’instruction n’est pas faite que pour les hommes. Envoyez vos filles à l’école!». Car le développement économique du pays – c’est une évidence – ne pourra s’accélérer qu’avec l’instruction et la formation du plus grand nombre.
Mandaté par la Première Dame, le Dr Morissanda Kouyate, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration et des Guinéens de l’étranger, (© photo BF) assure pour sa part avec brio le discours de clôture, en confiant que le couple présidentiel a été «très touché par l’extraordinaire mobilisation des femmes» pendant deux jours pour assurer le succès de l’événement.
«Vous, les femmes, vous devez encore abattre beaucoup de barrières car plus une femme est compétente, plus les barrières devant elle s’accumulent pour qu’elle ne progresse pas», observe le chef de la diplomatie guinéenne. Avant de conclure : «Les compétences féminines, c’est bien du social et donc la priorité des priorités du gouvernement. Avec cette “machine infernale” que vous venez de créer ici, vous allez pouvoir participer à la refondation de notre Nation».
Personnellement conviée par la ministre Aïcha Nanette Conté à la cérémonie de clôture du Forum, la star Sayon Camara – que l’on surnomme ici «Sayon taara makhe» (Celle qui remue la terre) – (© Junior Photo) enflamme véritablement la salle en interprétant son dernier tube sorti le 16 septembre dernier : «Aidons les enfants». La célèbre griotte est d’ailleurs à la tête d’une Fondation très engagée dans la protection de l’enfance et contre toutes les violences faites aux femmes, à commencer par l’excision..
«L’Afrique de Papa,
c’est terminé!»
.Car le poids de bien des coutumes ancestrales, qui font de la Guinéenne une femme soumise et qui n’a guère de droits, est encore bien lourd et les femmes qui ont le courage de faire évoluer les mentalités encore trop peu nombreuses… mais les choses sont visiblement en train de bouger puisque le gouvernement de transition en a fait une de ses priorités.
Contrairement aux autres pouvoirs de la sous-région, issus de «putschs militaires» (comme au Mali, au Burkina Faso ou au Niger), le Colonel Doumbouya ne s’est pas lancé dans une «guerre verbale» et grotesque contre la France, l’ancienne puissance coloniale accusée un peu trop facilement par d’autres de tous les maux et de tous les péchés de la terre. Il est vrai que le nouvel homme fort de Conakry a servi plusieurs années en France au sein de la Légion étrangère et a épousé une Française, qui elle-même a servi dans le Gendarmerie nationale.
Avec intelligence, il s’est donc fait au contraire le porte-parole d’une Afrique responsable qui veut tourner la page des mauvaises pratiques de la «Françafrique» et dit les choses sans acrimonie ni haine antifrançaise. «L’Afrique de Papa, la vieille Afrique, c’est terminé!», a-t-il ainsi lancé le 21 septembre dernier à la tribune des Nations Unies à New York, sous les applaudissements de l’Assemblée Générale.
Avant d’ajouter : «Avec une population de plus d’un milliard d’Africains, dont 70% de jeunes totalement décomplexés, des jeunes ouverts sur le monde et décidés à prendre leur destin en main, le moment est venu de prendre conscience que les structures et règles issues de la Seconde Guerre mondiale, en l’absence de nos États qui n’existaient pas encore, sont obsolètes (…) La communauté internationale doit regarder l’Afrique avec des yeux neufs, elle doit entreprendre avec elle désormais une coopération franche dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant».
Un discours responsable qui l’a grandi aux yeux de bien de ses pairs et dont la Guinée – où les choses bougent rapidement sur le plan économique – veut à juste titre récolter les fruits. Pour ce faire, le Compendium apparaît bien comme un «outil» pratique et indispensable à la transformation de la société et de la vie économique du pays.
EN SAVOIR PLUS : www.cocofgui.org
https://www.africapresse.paris/COCOFGUI-La-Guinee-mise-sur-les-competences-feminines-pour-refonder-la-Nation