Premier chef d’Etat librement élu, l’ancien opposant renversé n’a pas vu venir la vague contestatrice et laisse derrière lui un pays miné par la pauvreté et des institutions fragilisées.
Octobre 2020. Alpha Condé est assis dans un grand fauteuil du salon de réception du palais Sékhoutoureya, siège de la présidence guinéenne. Il est serein à quelques jours d’une élection dévaluée par son entêtement à briguer un troisième mandat. La Constitution le lui interdisait, jusqu’à ce qu’il la remodèle à la mesure de son ambition, quelques mois plus tôt, contre l’avis de nombre de ses proches et à coups de fusils tirés sur des manifestants. Au même moment, dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest, le Niger, son camarade de l’Internationale socialiste Mahamadou Issoufou s’apprête à rendre son tablier après ses deux mandats présidentiels, recueillant les louanges internationales.
Pourquoi Alpha Condé, ancien opposant aux dictateurs guinéens, condamné à mort par contumace en 1970 par Sékou Touré puis emprisonné vingt-huit mois par son successeur, Lansana Conté, ne l’imitait-il pas ? Pourquoi ne pas sortir par la grande porte et inscrire son nom dans l’histoire nationale en tant que premier président guinéen librement élu (en 2010) transmettant démocratiquement le pouvoir ? « Si Issoufou se retire, avait-il répondu, tranchant, c’est parce qu’il a peur. Peur de son armée et d’un coup d’Etat. Moi, je n’ai pas peur de ça et j’ai encore des choses à faire pour la Guinée. »
Son obstination, que même ses opposants respectaient – celle du panafricaniste étudiant et militant en France, celle qui lui avait permis d’exister sur la scène politique guinéenne malgré la prison et son long exil parisien – tournait à l’aveuglement. Le 5 septembre, un commando des forces spéciales de l’armée guinéenne dirigé par le colonel Mamady Doumbouya lui a ouvert les yeux, prenant d’assaut le palais Sékhoutoureya et sortant de son lit Alpha Condé, âgé de 83 ans, pour le mettre aux arrêts, dans une résidence étroitement surveillée.
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