Lors de l’immersion gouvernementale à Nzérékoré, le Premier ministre Bah Oury a, encore une fois, fait des déclarations dignes des fables de La Fontaine, si l’on considère que même le plus rusé des renards aurait du mal à les défendre. Concernant le référendum constitutionnel et les élections, ses propos soulèvent plus de questions qu’ils n’en résolvent – un peu comme tenter de comprendre les règles de la lutte après une soirée bien arrosée au vin de palme, où l’on finirait par confondre un lutteur avec une vieille canne à pêche !
Une telle promesse nécessite une connaissance approfondie des mécanismes électoraux ainsi que des réalités politiques du pays. La question qui se pose alors est la suivante : sur quelles bases Bah Oury fonde-t-il ses déclarations ? A-t-il, peut-être, pris par inadvertance un verre de palme de trop pour se laisser aller à de telles affirmations ?
Voyons ! Dans le contexte actuel, la question des élections revêt une importance cruciale. En vérité, la Guinée, ayant traversé une période d’instabilité politique, aspire à un retour à l’ordre constitutionnel. Toutefois, l’organisation d’un référendum constitutionnel ou de toute élection nécessite une préparation minutieuse ainsi qu’une consultation rigoureuse des parties prenantes. Cela inclut non seulement les acteurs politiques locaux, mais également les experts envoyés par les principaux partenaires internationaux, tels que les États-Unis, la France, la Cédéao, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies.
Il est important de souligner que la responsabilité de l’organisation des élections ne repose pas uniquement sur les épaules du Premier ministre. En réalité, cette prérogative est dévolue au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, qui doit élaborer un calendrier électoral réaliste et réalisable. Ce ministère est chargé de s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour garantir la transparence et l’intégrité des élections. Or, jusqu’à présent, aucun calendrier officiel n’a été communiqué, ce qui soulève de légitimes interrogations quant à la crédibilité des annonces formulées par Bah Oury.
Notons également que les élections ne se limitent pas à de simples déclarations d’intention. Elles nécessitent une logistique complexe, des financements adéquats, ainsi que des mécanismes de surveillance efficaces. Les électeurs attendent des garanties que leurs voix seront entendues et que le processus électoral sera mené de manière équitable. Dans cette optique, il est impératif que le gouvernement, au lieu de se contenter de promesses vagues, engage un dialogue constructif avec les différents acteurs de la société afin d’établir un véritable processus démocratique.
En outre, la déclaration de Bah Oury pourrait être perçue comme une tentative de rassurer un peuple en quête de stabilité. Cependant, comme le souligne le proverbe, « les promesses n’engagent que ceux qui y croient». Les citoyens guinéens, ayant été témoins de nombreux discours sans lendemain, sont en droit de questionner la véracité des propos du Premier ministre. Les antécédents de promesses électorales non tenues pèsent lourdement sur la confiance du public.
Etre franc et direct
Lors de sa conférence de presse du 29 janvier 2025, Ousmane Gaoual Diallo, Porte-parole du gouvernement et ministre des Transports, a fait preuve d’une rare franchise concernant le calendrier électoral. Il a notamment déclaré : « Dans un premier temps et sur instruction du chef de l’Etat, l’élection référendaire aura lieu avant la fin du premier semestre. (…) Le fichier qui sera utilisé est en cours de construction (…). Cela ne fait l’objet d’aucun doute. Nous invitons nos concitoyens à accorder une attention particulière à leur enrôlement. (…) Nous encourageons les organisations de la société civile et les acteurs politiques à mener une campagne pour que les Guinéens s’intéressent à cette activité et s’enrôlent. Cela réduira les sources de tensions à l’avenir. L’organe de gestion des élections sera prévu dans la constitution, car il y a un certain nombre de choses que nous ne pouvons pas anticiper. Actuellement, il n’est pas possible de parler de l’organe de gestion des élections dans le pays, puisque la constitution devra le créer. Dans le meilleur des cas, si nous parvenons à organiser l’élection en mai, il sera difficile d’enchaîner immédiatement avec les élections présidentielles. Il existe un code électoral qui doit être adopté, ce qui prend environ trois semaines. Nous serions alors en juin. Il devient donc impossible d’organiser des élections en juillet ou août, peut-être même jusqu’en septembre. Cela signifie qu’il faudra envisager une répartition des élections en septembre ou octobre, selon la déclinaison qui résultera de la constitution et du chronogramme émis par l’Administration du territoire. Il faut donc prévoir peut-être deux élections majeures cette année, les autres suivant par la suite. À moins que nous prenions la décision de regrouper toutes les élections à une seule date.
Cela représenterait un autre choix, mais si les élections doivent être organisées de manière séquentielle, il est clair que nous ne pourrons pas tenir toutes les élections en 2025. » Quoi de plus franc et direct ?
Garantir un climat de confiance
La vérité est souvent dérangeante, relative, et même laide, mais il est essentiel de l’accepter pour établir la confiance et garantir un climat apaisé et durable.
Et puis, la situation politique actuelle en Guinée est marquée par une certaine tension. Les différentes factions politiques doivent être impliquées dans le processus électoral pour garantir un climat de confiance.
La consultation des acteurs politiques et sociaux est non seulement une obligation constitutionnelle, mais aussi une nécessité politique. En négligeant ces consultations, le gouvernement risque d’aggraver les divisions au sein de la société et de compromettre la légitimité des élections à venir.
Où est la feuille de route ?
La déclaration de Bah Oury soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Les électeurs guinéens demandent des actions concrètes et des engagements clairs, plutôt que de simples promesses lancées à la va-vite. Il est crucial que le gouvernement prenne pleinement en compte ces attentes et s’engage à établir un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes.
À un moment où l’avenir politique du pays est en jeu, il est impératif que les déclarations du Premier ministre soient accompagnées de faits tangibles et d’une feuille de route claire en vue d’élections transparentes.
Comme le dit le proverbe djallonké, « il vaut mieux mobiliser son esprit pour vaincre que de se laisser aller à des promesses en l’air ».
Les Guinéens méritent mieux qu’une simple rhétorique. Ils ont besoin d’actions concrètes et de solutions tangibles qui répondent à leurs attentes et à leurs défis quotidiens. Ils ont besoin d’un engagement sincère et d’un plan d’action solide pour garantir une démocratie durable et représentative.
Jusqu’à preuve du contraire, il est temps pour Bah Oury et son gouvernement de passer des paroles aux actes, afin de restaurer la confiance du peuple guinéen dans ses institutions.
Par Alpha Abdoulaye Diallo