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2 Octobre 1958- 2 Octobre 2021 : Indépendance politique et pauvreté économique

Après un demi-siècle d’indépendance politique, en dépit de nos immenses potentialités économiques et humaines, nous figurons toujours parmi les pays les moins avancés d’Afrique et du monde. Cette lourde responsabilité n’incombe qu’à nos dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays. De 1958 à nos jours, car c’est la gouvernance du pays qui explique notre retard économique. 
En février 2004, notre compatriote Alpha Ousmane Diangolo  Barry, conseiller financier à Wanadoo  chez Télé performance France, a publié un ouvrage  » Les racines du mal Guinéen » aux éditions Karthala très pertinent sur le bilan des deux républiques. Une analyse détachée de toute passion. Au fil de la lecture, on perçoit l’effort de recherche des causes subjectives et objectives du retard enregistré par le pays après un demi-siècle d’indépendance politique. Cet ouvrage aura été quelque peu prémonitoire, puisque trois ans avant la bourrasque de janvier février 2007, il laissait entrevoir ces événements.
En ce mois d’octobre, nous revenons sur quelques extraits.
‘’… Pour analyser et comprendre le mal Guinéen d’aujourd’hui, il faudrait aller en puiser à la source ses causes profondes. Les problèmes économiques et politiques, les lenteurs administratives et la corruption presque institutionnalisée dans ce pays restent des éléments de blocage énormes qui pèsent lourdement sur le facteur de développement tant nécessaire à la mise en valeur de nos ressources humaines et minières.
Le traumatisme psychologique et le décalage culturel dus aux vingt-six années de dictature restent des éléments essentiels de ce blocage qui doivent trouver des solutions politiques et culturelles.
A l’indépendance de la Guinée, le 2 octobre 1958, le Parti Démocratique de Guinée (PDG), pour consolider son assise et son autorité, choisit les femmes et la jeunesse comme cheville ouvrière de son combat d’avant-garde pour le pouvoir. Choix qui malheureusement s’avéra être, au fil des années, une stratégie pour mieux asservir et endoctriner la population…Les discours politiques et démagogiques de Sékou Touré, le leader charismatique, réussirent pendant plusieurs années à faire de ces deux couches de la société guinéenne, des partisans naïfs.
Le départ a ainsi été faussé, car il n’y avait pas de véritable projet politique et socio économique réfléchi pour le moyen et le long terme, afin de gérer ce pays qui avait décidé par un référendum qui lui était proposé de prendre son indépendance, malgré toutes les bonnes volontés qui ont mis leurs compétences au service du pays.
D’alliés fidèles, les jeunes devinrent très rapidement des laissés- pour- compte du système.
La jeunesse étant le baromètre d’un pays, quand elle va mal, l’avenir du pays reste compromis. Il va falloir du temps et de la volonté politique pour remédier à un tel gâchis…’’
A la suite de cette revue de la première République, l’auteur en établit un constat très critique : ‘’ …D’un point de vue pédagogique et pratique, il est difficile d’évaluer aujourd’hui l’ampleur de l’exclusion sociale et économique que cette politique hasardeuse a entraînée.
La réalité, c’est le sacrifice de plusieurs générations et le retard cumulé de ce pays qui possède de réelles ressources humaines compte tenu de la jeunesse de sa population et de ses richesses minières. C’est une véritable contradiction que la Guinée, « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » ne puisse pas au XXIè siècle s’alimenter convenablement en eau et en électricité.
Sur le plan politique, la confiscation du pouvoir et l’instauration progressive d’une dictature sanglante ont détruit les hommes, ruiné l’économie, hypothéquant l’avenir de ce beau pays. La Guinée, qui était promise à un merveilleux avenir, perd ses valeurs fondamentales, s’enferme dans des dogmes mal interprétés et qui ont servi de prétexte à des vengeances et des liquidations physiques
sans précédent. L’ampleur du traumatisme populaire continue à marquer ce peuple qui ne trouve plus de repères pour retrouver son équilibre et reconstruire un tissu social disloqué et une économie mal en point.
Le 26 mars 1984, le président Sékou Touré meurt des suites de maladie. Les militaires font irruption sur la scène politique. Alpha Ousmane Barry aborde cette période en ces termes : ‘’…L’avènement de la Deuxième République a suscité beaucoup d’espoirs. Dix neuf ans après, (ndlr nous sommes en 2003), sur le changement politique, il n’y a toujours pas de consensus sur les facteurs essentielles pouvant faire naître l’esprit de Nation, élément clé pour unir les forces créatrices afin de sortir le pays de l’impasse dans laquelle les premiers dirigeants l’ont plongé et que la Deuxième République continue d’aggraver.
Le 3 avril 1984, avec l’arrivée des militaires au pouvoir et la chute de la dictature, une vague d’espoirs gagna tous les Guinéens. Les premières décisions suspendant toutes les instances du Parti démocratique de Guinée et la promesse ferme de faire de la Guinée un pays de droit entraînèrent une certaine confiance de la part des Guinéens concernant la volonté des nouveaux dirigeants de remettre de l’ordre dans les affaires publiques et de doter la Guinée d’une nouvelle loi Fondamentale. Malgré les discours d’intention et quelques actes politiques significatifs posés, les méthodes de l’ancien système rapidement sont réapparues sous une forme plus pernicieuse et camouflée. Cela ne trompa personne…’’
Les enseignements que l’auteur tire de cette époque sont prémonitoires : ‘’…Etant donné la situation catastrophique du pays qui est privé d’électricité et d’eau, les dérapages économiques permanents, les détournements grossiers des deniers publics, la vacance du pouvoir, le chômage, l’insécurité et la drogue, ainsi que la pauvreté croissante de la majorité de la population, les craintes d’une révolte et d’une explosion sociale ne peuvent être exclues.
L’avenir est très incertain et l’horizon très brouillé. Le seul espoir réside dans la capacité des hommes de ce pays à se prendre en charge et à dire : ça suffit !’’
Trois ans plus tard, jour pour jour, les Guinéens ont exprimé leur ras le bol de la mal gouvernance responsable de la dégradation de leurs conditions de vie. Malheureusement pour nous, encore une fois les attentes n’auront pas été comblées par le gouvernement de consensus chargé de mener le changement exigé par les Guinéens. Et comme en 1984, les militaires sont encore au devant de la scène politique pour assurer la transition. C’est ce pays économiquement meurtri qui assiste au retour de la Grande muette aux affaires après la disparition de Lansana Conté. Une transition militaire, qui Cahin caha sous la pression de la communauté internationale va conduire le pays aux premières élections véritablement ouvertes. Avec à la clé,  l’accession à la magistrature suprême du professeur Alpha Condé pour un premier mandat de cinq ans, qui sera renouvelé en 2010. Et comme une malédiction dont le pays serait victime, les attentes ne sont guère comblées sous le magistère de l’historique opposant, dont le troisième ou premier mandat a pris court avec une nouvelle fois l’irruption sur la scène politique de la Grande Muette le 5 septembre 2021.
Ce 2 octobre 2021, soixante-trois ans après notre accession à la pleine souveraineté, il nous revient maintenant de procéder à une véritable introspection pour établir un sévère mais objectif diagnostic sur le bilan de notre indépendance politique. Au plan économique, notre formidable potentiel ne nous a guère servi a brisé le cercle vicieux du mal développement. Il ne s’agit non pas d’un sous-développement pour ce qui nous concerne, mais d’un mal développement dû à une endémique mal gouvernance.
Par Thierno Saïdou Diakité,
Consultant

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