Abdoulaye Yéro Baldé (AYB), « est un homme qui n’a jamais lutté pour la démocratie et la justice » !
Voilà comment certains « néo-militants » pour la démocratie défigurent et caricaturent l’homme qui s’est battu pendant quarante ans pour la démocratie et contre les dérives autoritaires, avec à la clé deux ans de silence actif et stratégique ; pour encore mieux défendre la démocratie.
Aujourd’hui, on lui reproche son silence. Mais cette critique passe à côté de l’essentiel. D’abord, le contexte a changé : une stratégie efficace exige parfois du recul, de l’analyse et du silence tactique, plutôt que des paroles qui n’aboutissent à rien. Yéro avait donc le choix entre deux stratégies : celle des tribunes critiques et celle des urnes. Il a opté pour cette dernière. En bon stratège politique, il a ainsi évolué le contexte et a affûté la tactique qui s’imposait : celle du silence tactique, c’est à dire laisser d’abord ses adversaires se dévoiler avant soi (Machiavel, 1532), observer et attendre le moment opportun pour agir (Sun Tzu, 1772). Opter pour la discrétion ne signifie pas renier ses principes. Yéro Baldé n’a pas changé de valeurs ; il a simplement adapté sa méthode à la situation du moment, convaincu qu’on ne peut pas répéter éternellement les mêmes recettes dans des contextes différents.
Cette tactique commence à payer: il est le dernier démocrate à avoir réussi à passer les filtres éliminatoires.
Mais qui est vraiment AYB ?
Dans le paysage démocratique guinéen, peu de figures peuvent se targuer d’avoir montré une constance, un courage et une abnégation comparables à ceux de Yéro Baldé. Dès ses années étudiantes, il s’est jeté corps et âme dans la défense des libertés fondamentales. Et cet engagement, il l’a payé au prix fort : emprisonnements, exil, tortures, et cette mort frôlée de près lors des événements du 28 septembre.
Tandis que certains – de ceux-là mêmes qui aujourd’hui distribuent des leçons de démocratie – se terraient du côté des bourreaux ou des régimes autoritaires, lui restait debout, vulnérable mais inflexible, brandissant les idéaux de justice et de liberté comme seules armes.
Lorsque son parti, le RPG, est arrivé au pouvoir, il a gardé cette même ligne de conduite apaisante. Même dans les moments les plus tendus, il préconisait la retenue, fuyant les discours enflammés et la confrontation systématique. Et surtout, quand son propre camp a commencé à déraper, Yéro Baldé a posé un geste que peu d’hommes politiques osent : il a lâché volontairement pouvoir, privilèges et influence pour rester fidèle à ses valeurs. Sa démission contre le troisième mandat – au détriment de ses intérêts personnels et familiaux – a été saluée par tous les démocrates comme un acte rare et fort.
En choisissant de se lancer en politique dans le contexte actuel, Yéro Baldé fait un pari courageux. Pourtant, les premiers à lui tomber dessus sont paradoxalement et légitimement ceux qui se réclament de la démocratie, en prétextant que les résultats sont déjà connus. Je comprends cette inquiétude légitime et objective.
Mais en politique même le plus grand charlatan ne peut prédire l’issue d’une compétition purement politique ; car le propre même de la politique c’est la règle de la dynamique et du possible : tout peut changer et tout est possible.
L’erreur que les démocrates commenteraient c’est de lâcher un des leurs à un moment crucial de notre histoire politique, ou de le juger avant l’action, ou le condamner sans matérialité.
Soutenons-le, donnons-lui les moyens et attendons la fin de la compétition pour le juger face à l’opinion et devant l’histoire.
Par Dr Alimou Diallo