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Tribune : Le Coup d’État en Guinée-L’Illusion d’une rupture ou un projet « Tous azimuts » ? (Par Kèfina Diakité)

Un changement prémédité

Pour tout observateur averti de la scène politique guinéenne, il va sans dire et n’étonne personne que le coup d’État du 5 septembre 2021, orchestré par le colonel (devenu Général) Mamadi Doumbouya contre le président déchu Alpha Condé, était mûrement préparé. Loin d’être une simple réaction aux dérives d’un troisième mandat, cette prise de pouvoir s’inscrit dans une stratégie calculée de refondation autoritaire. Deux indices cruciaux, perçus dans l’urgence comme des gestes d’autorité, confirment cette thèse de la préméditation :

L’Interdiction de la célébration populaire : Quand le leader de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, a tenté, dans l’euphorie initiale, de mobiliser ses militants pour exprimer un soutien de façade au nouveau régime, le Général Doumbouya a immédiatement décliné et interdit toute manifestation publique. Cette manœuvre n’était pas un simple souci d’ordre public, mais une déclaration politique : l’initiative et la souveraineté de l’espace public devaient rester la propriété exclusive de la junte. Il était impératif de couper court à toute tentative des figures civiles de s’attribuer une part du crédit de la « rupture ».

La Déclaration de l’ONU : L’allocution de Doumbouya à la tribune des Nations Unies, avec la formule percutante « L’Afrique de Papa, c’est fini ! », a été encensée comme l’étendard d’une nouvelle ère. Pourtant, au-delà du slogan, cette phrase constitue la manifestation idéologique d’un projet plus large. Elle vise à décrédibiliser et à écarter méthodiquement toute une génération de cadres et d’hommes politiques, englobés sous le terme commode d’« ancien système », ouvrant ainsi la voie à une nouvelle hégémonie.

L’Amplification : un recadrage politique “Tous azimuts”

En réalité, ce coup d’État se révèle être une opération d’« amplification générale », un projet « tous azimuts » dont la finalité va bien au-delà de la simple destitution d’un chef d’État. Il s’agit d’une offensive stratégique qui cherche à :

Neutraliser les poids lourds civils : Écarter durablement de la scène politique les « vieux cadres » dont la popularité, souvent extraordinaire et jugée “enviable” par le nouveau pouvoir, représente une menace latente. L’objectif est de démanteler toute force d’opposition structurée capable de contester la vision imposée par le CNRD (Comité national du rassemblement et du développement).

Imposer une nouvelle vision unilatérale : Capitaliser sur le désespoir et l’aspiration au changement du peuple pour imposer unilatéralement une feuille de route qui n’a pas fait l’objet d’un consensus national véritable. La transition devient alors un véhicule pour le projet de la junte, et non celui de la nation. Ce peuple, meurtri par des décennies d’instabilité, de mauvaise gouvernance et de violences répétées, ne cherche qu’une seule et unique chose : le retour à la sérénité et à la stabilité.

La seule priorité : la Paix

L’unique chantier véritablement impératif, le seul qui compte aujourd’hui pour la Guinée, n’est ni la réforme institutionnelle à marche forcée, ni la chasse aux sorcières politiques. C’est la PAIX. L’imposition d’une nouvelle vision politique par la force – qu’elle soit militaire ou législative – ne doit pas avoir pour effet de dérailler cette quête fondamentale de l’apaisement social. Tout projet de refondation qui ne place pas la réconciliation et le retour à la paix en tête de ses priorités est voué à reproduire les cycles de violence passés. La paix est l’infrastructure sans laquelle aucune autre construction durable n’est possible.

Par Kèfina Diakité

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