À suivre les développements récents de la situation nationale depuis que la transition – marquée par tous les coups de théâtre et rebondissements – est en marche, on ne peut que constater la versatilité des politiques et plaider coupable. Car les travers déplorés ne datent pas d’aujourd’hui. Si les raisons de désespérer des hommes politiques ne manquent pas, quelques-uns brillent encore par la force de leurs convictions et la rigueur de leur engagement. Des « lucioles » qui apportent de la lumière dans la grisaille quotidienne et refusent de « hurler avec les loups » dans cette chasse au trésor ouverte.
En arpentant les arcanes du pouvoir et en côtoyant de près les princes, on croise des laudateurs et courtisans méprisables, mais on rencontre aussi des hommes portés par leurs idéaux, capables de résister aux plus grandes tentations sur la terre des hommes. Le Dr Fodé Oussou Fofana a souvent laissé passer « sa chance » et n’a pas obtenu les fonctions que d’autres auraient acquises en se sabordant politiquement. Parce qu’il a voulu rester digne de la confiance placée en lui, il s’est attaché, à toute époque, à rester fidèle à ses choix.
Un chef d’État, le capitaine Moussa Dadis Camara – pour ne pas le nommer –, lui a fait des propositions sans cesse réitérées pour le rallier à sa cause. Il lui offrit un poste ministériel, en vain. Il lui suggéra ensuite de créer un parti qu’il financerait volontiers. Nouveau refus. Le vice-président de l’UFDG a tenu bon face à ce chef de l’exécutif pourtant déterminé, prêt à toutes les concessions pour le débaucher. Le pharmacien a décliné toutes les offres, pourtant alléchantes, par fidélité à son combat dans l’UFDG et à son mentor, Cellou Dalein Diallo. Chaque fois, il a invoqué le respect et la considération que lui témoigne le président de l’UFDG pour décliner les sollicitations.
Pour cet homme d’honneur, la bienveillance de ses pairs exige gratitude et loyauté absolue, dans un échange de bons procédés. Le président Dadis, qui ne s’avoue jamais vaincu, dépêcha son ministre de la Santé, le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, pour convaincre son confrère. Le Dr Fodé Oussou Fofana dissuada l’émissaire avec beaucoup de tact : « Cher ami, tu veux être débarqué ? J’ai le même profil que toi. Si j’accepte, le capitaine pourrait te remplacer par moi. Je ne veux pas que tu sois remercié à mon profit. » Le colonel Diaby, ayant flairé le danger, n’insista plus.
Le professeur Alpha Condé, lui aussi, tenta de séduire le vice-président de l’UFDG, qu’il voyait comme un allié potentiel. Mais leurs discussions n’aboutirent pas. Un « dépit amoureux » éloigna les deux hommes avant une rupture définitive.
Le Dr Fodé Oussou Fofana, avec la candeur d’un innocent et l’obstination d’un fanatique, martèle à toutes les occasions : « Je serai le dernier à quitter l’UFDG et à trahir Cellou. J’ai une dette morale envers le parti et lui. Je préfère mon honneur aux privilèges. Je me soucie de l’image que l’on gardera de moi, de l’héritage de mes enfants et de ma lignée. »
Dans un pays où l’on craque vite, où l’on mord facilement à l’hameçon, où l’on abandonne rapidement la routine d’ascète qu’impose le sort d’opposant pour rejoindre la vie dorée des situations de pouvoir, ce discours sonne comme une fausse note dans une symphonie où chacun porte sa croix. Peu importe.
Le Dr Fodé Oussou a choisi de rester lui-même, de ne ressembler à personne, surtout de refuser de faire comme ceux qui, après s’être parés de toutes les couleurs et brandi tous les étendards, finissent par être affublés de tous les opprobres et n’ont plus aujourd’hui d’identité intrinsèque ni de personnalité propre.
Le natif de Kindia, lui, a choisi de s’en tenir fermement à ce qui semble incarner l’esprit d’indépendance nationale et le credo des pères fondateurs : une précarité digne vaut mieux que des fonctions éminentes (au sein de l’État) entachées de compromission totale. On ne peut qu’être fasciné par son choix. Il est vrai que l’on ne devient héritier ni par hasard ni par accident.
Par Tibou Kamara