Dans un entretien accordé à TV5 Monde le dimanche 8 juin 2025, l’écrivain Tierno Monénembo n’hésite pas à exprimer ses doutes quant à la bonne foi du régime du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), dirigé par le président Mamadi Doumbouya.
Il partage son point de vue sur le processus de retour à l’ordre constitutionnel et à la démocratie en Guinée, entamé suite au coup d’État du 5 septembre 2021. « Je doute du régime lui-même. Je doute de sa bonne foi, de son intention, de ses méthodes, déclare Monénembo. Ce n’est pas un régime démocratique. Il ne cherche pas des élections. Il cherche à conserver le pouvoir par tous les moyens, surtout par le moyen de la répression. Je ne crois pas du tout à ce régime. »
Fidélité à la critique des prédateurs
L’écrivain exprime aussi des réserves quant à la tenue du référendum prévu pour septembre 2025 et aux élections législatives et présidentielles programmées en décembre de la même année. « Je ne crois pas du tout qu’il y aura une élection en Guinée », affirme-t-il, qualifiant le projet de nouvelle constitution élaboré par le Conseil national de la transition de « boubou constitutionnel cousu sur mesure ».
Monénembo déplore que les militaires, lors de leur prise de pouvoir, aient promis que la justice serait leur boussole. « On n’a rien vu », ajoute-t-il. Tout en dénonçant un climat d’injustice omniprésent, il assène : « l’impression que j’ai, c’est que jamais la Guinée n’a subi autant d’injustices. La répression est permanente. Des gens disparaissent au quotidien. On tue des gens de la manière la plus scandaleuse. C’est quelque chose de terrible. C’est le retour des années noires du temps de Sékou Touré. C’est le régime Sékou Touré bis. »
Tierno Monénembo incarne cette voix singulière qui, au cœur des tumultes, s’élève avec force et clarté. Il est connu et reconnu pour ses prises de position incisives sur des sujets d’actualité. Monénembo s’est imposé partout dans le monde comme un critique redoutable des autocrates, particulièrement sur le continent africain.
Ses écrits et ses déclarations portent un poids considérable. Ils résonnant tel un appel impérieux à la vigilance et à la réflexion, à un moment où le peuple guinéen aspire ardemment à un changement de système de gouvernance de l’Etat.
Sa fidélité à la critique des prédateurs des deniers publics et des libertés fondamentales s’apparente à celle qu’il entretient avec les éditions Seuil, la maison qui a vu naître ses écrits depuis 1979, lorsque son regard perçant s’est posé sur le monde à travers son célèbre roman Les Crapauds-brousse. Ce lien indéfectible avec son éditeur témoigne d’une loyauté autant envers son art qu’envers les idées qu’il défend.
Lauréat du prix Renaudot en 2008 pour l’ensemble de son œuvre, Monénembo a également reçu en 1986 le Grand Prix littéraire d’Afrique noire pour son roman Les Écailles du ciel, une récompense qui vient souligner son talent exceptionnel et son engagement profond envers la littérature et la justice sociale.
Dans chaque mot, dans chaque phrase, il tisse un récit qui transcende les frontières et interpelle les consciences. C’est du Tierno Monénembo, et c’est bien cela.
Par Sandrine Bah