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Sommes-nous en train d’être conduits vers des élections privées d’opposition, muselant la presse, et vidées de tout espoir ?

Le pouvoir en Guinée s’apprête à organiser des élections, nous annonce-t-on. Mais à quel prix, et surtout avec qui ? Le ministère de l’Intérieur, organe directement subordonné au pouvoir exécutif, a été chargé d’organiser les prochains scrutins. Exit la commission électorale indépendante, censée garantir la neutralité du processus. Ce simple fait, à lui seul, devrait alarmer tous ceux qui croient encore en un minimum de transparence démocratique.

Les principales figures de l’opposition Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Alpha Condé sont en exil. Aliou Bah est en prison. Le champ politique est totalement désherbé, nettoyé de toute voix dissidente. Qui pourra alors réellement participer à ces élections ? Peut-on parler de compétition électorale quand les principaux concurrents sont empêchés ?

La presse indépendante, elle aussi, est méthodiquement réduite au silence. FIM FM, Djoma, Espace : trois médias majeurs suspendus. Pourquoi ? Parce qu’ils osaient encore faire leur travail. Informer. Questionner. Déranger.

Dans une démocratie, une telle décision soulèverait un tollé. En Guinée, elle s’impose dans l’indifférence générale, comme une évidence d’un régime qui ne supporte pas la contradiction.

Quant à la société civile, elle est traquée. Foniké Mengué, Billo Bah : disparus. Le journaliste Habib Marouane : introuvable. Doit-on désormais militer ou informer en Guinée en sachant que cela peut vous coûter la liberté, voire la vie ? Peut-on parler d’environnement électoral sain quand règne la peur, la censure et la répression ?

La question qu’il faille se poser est : est-ce que ces élections pourraient réellement avoir lieu ? Est-ce juste des fausses promesses auxquelles le gouvernement du CNRD nous a déjà habituées ? Wait & See !

Et pourtant, en marge de l’Africa CEO Forum à Abidjan, le Premier ministre guinéen Bah Oury a annoncé que les élections législatives et présidentielles se tiendraient en décembre 2025. Une déclaration qui soulève une avalanche de questions.

Pense-t-on sérieusement que des élections libres, inclusives et crédibles puissent se tenir dans ces conditions d’ici décembre prochain ?

Le pouvoir évoque un référendum constitutionnel le 21 septembre. Mais pour voter, encore faut-il un fichier électoral fiable. Or, ce fichier devrait être extrait du RAVEC, le recensement de la population à vocation d’état civil, lui-même accusant un sérieux retard. Où en est-on réellement de ce recensement ? Est-il techniquement possible de produire un fichier électoral d’ici septembre ? N’est-ce pas là une autre promesse électorale vide de contenu, un calendrier irréaliste pour simuler une volonté de retour à l’ordre constitutionnel ?

Et surtout : qui pourra voter, et surtout, pour qui ? Le général Mamadi Doumbouya, aujourd’hui chef de la transition, se présentera-t-il à cette présidentielle ? Existe-t-il encore le moindre doute sur ses intentions ? Peut-on parler de transition quand le chef de cette même transition prépare ouvertement sa propre accession au pouvoir ?

Ce qui se profile, ce n’est pas un retour à la démocratie. C’est un détournement complet du processus démocratique. Un écran de fumée. Un jeu de dupes. La communauté internationale, les institutions africaines, les défenseurs de la démocratie doivent ouvrir les yeux. On ne peut pas continuer à prétendre qu’il s’agit d’un processus normal. Il ne l’est pas. C’est une mascarade.

Le peuple guinéen mérite plus qu’une mise en scène électorale. Il mérite la vérité. Il mérite des institutions crédibles, des élections équitables, une presse libre et des droits fondamentaux garantis. Il mérite qu’on respecte son intelligence et son courage.

Abdoul Karim Diallo
« On ne construit pas une démocratie sur le silence, la peur et l’exclusion ».

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