ActualitésAfriqueEconomieInternationalPolitique

Pour un nouveau paradigme de développement africain : L’heure de la refondation de la Banque Africaine de Développements BAD

Analyse –  Le 29 mai marque un tournant historique pour la Banque africaine de développement (BAD). Après dix années à la tête de l’institution, le président nigérian Akinwumi Adesina cède la place à une nouvelle direction. Le Mauritanien Sidi Ould Tah vient d’être élu nouveau Président de la BAD. Ce changement ne doit pas être un simple passage de témoin, mais le point de départ d’un débat fondamental sur l’avenir de la BAD et, au-delà, sur le modèle même de développement que l’Afrique veut et doit poursuivre.

Depuis sa création en 1964, la BAD a accompagné les États africains dans leurs efforts de développement. Mais après plus de 60 ans d’existence, il faut avoir le courage de reconnaître que le modèle traditionnel des banques multilatérales de développement (MDB), basé sur l’octroi de prêts concessionnels, les stratégies sectorielles descendantes, et les approches « projet par projet », a atteint ses limites. L’Afrique ne peut plus se permettre de continuer sur cette trajectoire linéaire, lente et bureaucratique. Les défis sont trop urgents, les écarts trop grands.

Les High 5s de la BAD : un slogan ambitieux, une réalité en demi-teinte

Sous la présidence d’Adesina, la BAD a lancé les « High 5s », une vision stratégique qui visait à transformer le continent à travers cinq priorités : électrifier, nourrir, industrialiser, intégrer et améliorer la qualité de vie des Africains. Si des résultats ponctuels ont été obtenus, notamment en matière d’accès à l’énergie ou de financement agricole, force est de constater que la promesse d’une transformation structurelle du continent n’a pas été tenue, dix ans après. Présentée en 2015 comme une rupture stratégique, cette feuille de route articulée autour de ces cinq priorités devait incarner une nouvelle vision du développement en Afrique. En réalité, les High 5s ont davantage relevé d’une opération de communication que d’un véritable changement de paradigme.

Une ambition vendue comme révolutionnaire, mais loin d’être nouvelle

Il faut aussi noter que les priorités mises en avant dans les High 5s n’étaient ni inédites ni propres à la BAD. Ce sont plutôt des thèmes classiques de l’agenda du développement africain depuis les années 1980. Ce que la BAD a fait, c’est essentiellement reconditionner des priorités existantes dans un emballage plus lisible, certes, mais sans apporter de rupture méthodologique ni institutionnelle significative. En cela, les High 5s n’ont pas redéfini l’action de la BAD, ils l’ont simplement mieux marketée.

En effet, dans presque toutes les dimensions, les High 5s n’ont pas permis de changer fondamentalement le cours du développement africain. L’Afrique reste à ce jour le continent où 600 millions de personnes vivent sans électricité, où la transformation industrielle est marginale, où la dépendance aux matières premières demeure, et où les crises (climatiques, politiques, sécuritaires) continuent de fragiliser les acquis. L’intégration régionale est bloquée par des intérêts nationaux étroits, et la ZLECAf, censée être un catalyseur, tarde à se matérialiser. Le fossé entre les ambitions proclamées et les transformations concrètes est abyssal.

Même les avancées souvent mises en avant par la Banque ne peuvent pas lui être entièrement attribuées. Les chiffres cumulés, aussi impressionnants soient-ils en apparence, résultent d’un effort collectif impliquant les autres banques multilatérales de développement (Banque mondiale, la BID, FIDA, BERD, les banques sous-régionales, etc.), les gouvernements africains eux-mêmes, le secteur privé, les ONG, et d’autres bailleurs bilatéraux. La BAD n’a été qu’un acteur parmi d’autres, parfois marginal dans les grands projets structurants.

Une gouvernance trop orientée vers l’image

Un autre problème fondamental tient à la manière dont la BAD a piloté cette stratégie. Trop centrée sur l’image de son président, le Dr. Adesina, la stratégie des High 5s a souvent manqué d’ancrage local, de concertation effective avec les États membres et d’appropriation par les bénéficiaires finaux. Les priorités ont parfois été imposées de manière verticale, dans une logique descendante. L’impact réel sur les dynamiques nationales de développement reste limité, voire invisible dans certains pays.

Conclusion : un échec relatif, un leadership surestimé

En définitive, les High 5s ont été plus une vitrine qu’un levier de transformation. Ils ont permis à la BAD de mieux structurer sa communication, mais sans refonder son rôle dans l’écosystème du développement africain. La Banque est restée une institution financière de second rang, parfois absente des grandes négociations ou mal positionnée sur les enjeux géopolitiques du continent. L’idée d’un leadership transformateur est donc largement surévaluée. Ce dont l’Afrique a besoin, ce n’est pas de slogans bien trouvés, mais de capacités institutionnelles solides.

Par Amadou Thierno DIALLO-ATD

Related posts

Premier de la république en menuiserie, Alhassane Diallo, le bachelier qui ne souhaitait pas devenir un banquier

Diallo Tidian

Kalémodou Yansané nommé trésorier de l’UFDG en remplacement de Maladhö Diallo

Diallo Tidian

Notre sort en de bonnes mains Cédéaoennes

Diallo Tidian