Sous le signe du pardon et de la réconciliation, les assises ont débuté mardi, 22 mars 2022, sans l’opposition. Durant un mois, les membres du Comité national des assises (CNA) vont être à l’écoute des citoyens. Des recommandations seront mentionnées dans un rapport final afin d’aider les décideurs publics à trouver les voies et moyens pour rapprocher l’Etat de ses citoyens.
La présidence de la Commission nationale des assises (CNA) est confiée au grand imam de la Mosquée Fayçal, Elhadj Mamadou Saliou Camara et à l’archevêque de Conakry, Mgr Vincent Koulibaly. Le mandat de cette commission de 31 membres que coprésident les deux religieux tel qu’ils l’ont fait de 2015 à 2016 à la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale (CPRN), prend fin le 29 avril prochain.
Un air de déjà vu
Ils ont été présentés au Premier ministre, Mohamed Béavogui, samedi 26 mars 2022 au Premier ministère. Le travail se déroulera sur toute l’étendue du territoire national et dans les ambassades à l’étranger.
Au cours de son allocution prononcée à cette occasion, M. Béavogui a rappelé que le président à confié l’organisation de ces assises. «Nous sommes malades de notre passé, a-t-il ajouté. Il est évident que nous ne pouvons pas réussir la refondation de notre État si nous ne nous administrons pas un remède durable. Ce remède passe inéluctablement par un dialogue, dépassé, constructif et réparateur, dans la vérité pour aboutir au pardon. »
Selon le Premier ministre, le travail des membres de la CNA « s’appuiera tout d’abord sur les conclusions de la CPRN » qui va être complété « par les recherches de nos historiens sur la période 2016 – 2022, qui n’a pas fait l’objet d’étude du CPRN ». Également, a-t-il indiqué, « pendant la période des Assises, de larges concertations seront menées : d’une part au niveau des préfectures et d’autre part à l’étranger dans les juridictions diplomatiques respectives de nos compatriotes.
Les contributions des différentes composantes et organisations de notre société, en particulier les organisations de la société civile, les partis politiques, les organisations à but non lucratif, les associations de victimes, les médias, les historiens, les intellectuels et d’autres viendront enrichir le travail du Comité ». Un air de déjà vu et entendu dans ce pays qui peine à panser ses plaies. En effet. Comme en 2016, un rapport sera produit et présenté au chef de l’Etat dans le but d’aider les décideurs publics à trouver les voies et moyens de rapprocher l’Etat de ses citoyens.
Les faits sont têtus.
Mais l’Imam et l’Archevêque savent qu’en Guinée se parler ne suffit pas. Prononcer un sermon pendant la prière musulmane ou la messe non plus. A plus forte raison prodiguer des conseils. Les faits sont têtus. Il faut donc un discours présidentiel responsable suivi d’actes républicains visibles et qui ne trompent personne, qui ne stigmatise aucune communauté nationale, pour baliser la voie du salut et rassurer à la fois victimes et bourreaux de tous les régimes quant à la bonne foi des décideurs de l’action consistant à rompre définitivement avec les promesses fallacieuses du passé, afin de tourner la page du mensonge sur ce crime d’Etat qui entretient de faux espoirs au nom d’un semblant de processus de vérité et de réconciliation.
La «nation rassemblée»
Le colonel Mamadi Doumbouya peut affirmer que son combat à la tête de la Guinée consiste à « offrir à nos prochains dirigeants, une nation rassemblée, unie, forte et prospère». Aucune voix de patriote guinéen ou d’ami de la Guinée n’est et ne peut être contre cette belle pensée. Toutefois, si son objectif premier est louable, la démarche pour y aboutir est biaisée. La preuve? Avant le lancement de Assises le 22 mars 2022, rien n’a été fait pour que la classe politique guinéenne dans son ensemble se rassemble autour de l’événement.
Si le colonel Doumbouya a souhaité voir se concrétiser sa pensée et réaliser sa mission, son équipe aurait commencé par le commencement. C’est-à-dire, faire tout dans l’esprit du discours du 5 septembre 2021: apaiser les cœurs pour vaincre les peurs, et garantir aux forces vives un cadre de dialogue réel et ouvert aux parties prenantes à la construction du pays.
Si cela avait été fait, dans les règles, il y aurait eu plus d’engouement pour ces Assises nationales qui ont le mérite d’être placées sous le signe du pardon, de la vérité, et de la réconciliation. Mais comme il n’y a pas de fumée sans feu, les assises ont débuté sans la participation d’un collectif de 58 leaders politiques regroupés autour de Cellou Dalein Diallo, le principal chef de l’opposition, qui réclame depuis toujours l’ouverture d’un dialogue et la fixation d’un chronogramme de la transition à l’image du Mali et du Burkina Faso. Cependant, rien n’est encore tard pour mettre les parties en confiance.
Par Diallo Alpha Abdoulaye