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Lamarana-Petty Diallo revient à la charge : Œuvrons à reconstruire la République !

La Guinée n’ayant ni un statut d’empire, encore moins celui d’un royaume, la République devrait être reconstruite sur des bases solides et qui résistent aux humeurs de ceux qui se voient confier une parcelle de pouvoir. C’est à cela que conseille l’historien, homme de lettres et analyste, Lamarana-Petty Diallo.

L’histoire de tous les pays, de toutes les nations est faite de hauts et des bas, de tumultes, d’échecs et de réussites. Il y en a qui les bravent et s’en relèvent plus ou moins rapidement. D’autres s’enlisent et ne s’en sortent que très difficilement.

Notre pays, la République de Guinée, fait partie de cette catégorie. Les raisons sont multiples. A ce jour, nous ne sommes pas encore parvenus à braver les tumultes. A taire les différences. A gérer et régénérer les acquis. A imaginer et à mettre en perspective un avenir d’unité et de paix durable.

Cette analyse qui s’inscrit dans une perspective historique sur fond politique a pour but de montrer que la Guinée, comme toute nation, est capable de s’en sortir. Mais qu’elle n’y arrivera que si nous mettons en commun tant nos réflexions que nos actions présentes et futures.

L’indépendance : objectifs et orientation politique

Le Parti démocratique de Guinée (PDG), auquel les autres partis politiques ont fusionné, avait un programme et une vocation: libérer la Guinée en lui rendant son indépendance.  Le rejet de la proposition de la Loi-Cadre de 1946 distingue notre pays tant sur le plan continental que sur la scène mondiale.

Cependant, la manière heurta. L’affront au Général De Gaulle, héros de la libération de la France, et qui se voulait être porteur des indépendances des ex-colonies, n’opposa pas uniquement deux personnalités. Mais deux approches. Deux idéologies. Bien plus, deux systèmes et deux pays car De Gaulle était la France et vice-versa.

L’audace, maladroite et trop poussée du tribun guinéen, selon les uns, venue à point nommé pour d’autres, n’eut pas que des conséquences économiques. Elle engendra une crise politique des plus tenaces.

Sur le plan politique, la Guinée, comme beaucoup de pays qui se libèrent du joug colonial, opte pour un régime de démocratie populaire, de type soviétique. Soulignons qu’ils sont rares les nouveaux Etats africains qui empruntent la voie libérale de type occidental.

En Guinée, l’option socialiste conduit au parti unique.  A force de démagogie des courtisans, de surnoms, de qualificatifs et de superlatifs, le président nouvellement élu, est dénommé « responsable suprême ». Très tôt, le culte de la personnalité transforme « l’homme du Non », en un homme à qui l’on ne dit pas non.

Au fil de la révolution et des années de pouvoir, le « chef suprême » conçoit, oriente et dirige tous les projets de développement. Les ministres sont réduits à acquiescer et à observer, tout comme les populations, le glissement vers l’échec.

L’échec des systèmes traduisant celui des hommes en politique, l’on se mit à chercher des coupables dans l’administration, parmi les élus, les citoyens et les représentants du système lui-même. De complot en complot,  réel ou fictif, on aboutit au complot permanent.

Cette stratégie d’arrestation et d’élimination systématique de toute personne soupçonnée de connivence avec l’ennemi, en l’occurrence, l’impérialisme occidental, marqua la Guinée au fer. Autant dire, qu’on ne pourrait parler de réussite, à quelques exceptions près, du premier régime politique guinéen. Mais cet échec n’est pas une fatalité. Du moins, il pourrait ne pas en être si la suite n’en faisait. 

Un système engendre un autre. Qu’en est- il des conséquences ?

La fin du PDG avec son régime essoufflé, bien avant la disparition du premier président guinéen, laisse la place, en toute logique, à un pouvoir armé.

Tambours battants, baïonnettes aux flancs, bidasses sur les rues craquelées de Conakry, les nouveaux chefs promettent de redresser tout ce qui est tordu. Tout naturellement, ils omettent de commencer par eux-mêmes. Et pour cause?

Du point de vue économique, le pouvoir de 1984 ne semblait en avoir qu’un : brader les infrastructures industrielles léguées par l’ancien régime.

Rares sont les unités de production alimentaire, de fabrication de produits manufacturés ou autres qui échappent à la braderie. Le chemin de fer, seul survivant viable du système colonial, est démonté sans crier gare. Certaines cités, pas des moindres, sont démolies pour laisser la place à un no-man’s land qui ne dit pas son nom.

L’acquis majeur de la nouvelle ère politique, qui a été baptisée non sans démagogie de deuxième république,  peut se résumer à l’ouverture démocratique. Toutefois, si le Général a favorisé le multipartisme en faisant adopter la constitution de 1990, son parti, le parti de l’unité et du progrès (PUP) resta seul à bord jusqu’en 2008.  La mauvaise gestion du multipartisme n’a pas permis l’émergence d’une alternance politique: vecteur de partage du pouvoir et de changement.

Par conséquent, le multipartisme s’avéra être le terreau du partisanisme politique, (néologisme inventé à dessein par nous-même). Le partisanisme politique, c’est l’expression de partis politiques qui naissent sans projet de société ni vocation politique. Il privilégie le sentiment ou le parti pris ethnique ou régionaliste au détriment de l’expression démocratique. Il est l’instrument du parti politique en exercice qui se fonde sur la bureaucratie partisane, l’ethnie et les groupes d’intérêt pour se maintenir au pouvoir.

En définitive, le second régime n’enviait que très peu le premier en termes de mode de gouvernance. Il plonge également  dans les pratiques d’antan : répressions, arrestations et condamnations d’opposants.

Maintenir au pouvoir le Général, septuagénaire dont l’état de santé était très dégradé, n’a été profitable ni pour lui,  ni pour le pays. S’il avait la volonté, il n’avait plus ni la force ni les moyens d’assumer l’héritage et combler les erreurs de son prédécesseur. Il ne parviendra pas, non plus, à tracer une nouvelle voie pour la Guinée. Mais, qu’adviendra-t-il après ?

Du Général au Capitaine: une porte entrouverte vers l’abîme

Le PDG semble avoir tenté la réussite. L’indépendance ne lui est pas discutable. Certains acquis non plus, comme le panafricanisme. Cependant, le revirement en dictature lui est opposable.

Le Comité militaire de redressement (CMRN) et le PUP n’ont pas satisfait le rêve d’une Guinée du futur. La pluralité politique dont ce dernier est l’initiateur a vite tourné en opposition à caractère ethnique. L’émergence démocratique, la cohésion sociale et le décollage économique promis n’ont pas été au rendez-vous.

Mais nous n’étions qu’au début des échecs et des surprises.

La fin du pouvoir du chef indolent, le Général aux gants de velours, qui a tenu, vingt-quatre ans durant, le pays de main ferme, voit surgir, de nulle part, un capitaine. Aussi atypique qu’inattendu, le petit homme à l’allure de fauve, imprima, en quelques mois, à la Guinée, sa page la plus sombre.

Sans programme, ni vision, sans lucidité ni valeur morale, sans la moindre once d’humanisme, il faillit plonger la Guinée dans les abîmes de la guerre ethnique ou civile.

Les désastres de sa gouvernance, sa dictature meurtrière et sa folie de grandeur risquent de marquer pour bien longtemps notre pays.

Le Capitaine cède,  après les évènements tragiques du 28 septembre 2009, le pouvoir à un autre Général.

Le pays rythma, en l’espace d’un an, dans l’espoir d’une bonne gouvernance.

C’est alors que vint le Professeur en novembre 2010.

La lueur se ralluma dans le cœur des Guinéens. Difficile d’imaginer le contraire avec le fameux « La Guinée is back » et la promesse d’une Guinée Arc-en-ciel avec un Mandela à sa tête. Mais la nouvelle gouvernance marcha très tôt d’un pied et prit des béquilles.

Boiteuse, la gouvernance du Professeur se réfugie derrière les promesses qu’elle distille à tout vent pour berner les populations : « Je construirai des usines de bonbons ; de tablettes ; la Guinée sera la deuxième puissance africaine après le Nigeria ; je ne suis pas venu en Guinée pour gouverner des cimetières… » (Mamou, octobre 2020). Mais, combien de nos compatriotes ont été inhumés au cimetière de Bambéto et ailleurs ?

Nos oreilles auront beaucoup entendu. Il est vrai que nous avions été avisés que « plus le mensonge est gros, plus les Guinéens y croient ». Mais, qui gouverne par le mensonge sort par la petite porte, quand sonne l’heure de la vérité. Ce qui fut. 

L’histoire comme boussole et perspective d’avenir

Bientôt deux ans que les lignes semblent se redessiner en Guinée. Le pays est d’apparence calme et apaisé mais il ne faudrait pas perdre de vue qu’il y a aussi de l’eau froide qui peut tuer les poux, puces et pucerons.

En clair, la page qui est ouverte doit être écrite différemment des précédentes. Les autorités actuelles doivent se servir de l’histoire comme leçon et boussole. En tout cas, un gouvernant, à moins de privilégier sa simple vision des choses, trouve dans le passé le terreau nécessaire lui permettant de dessiner autrement son pouvoir.

En politique, comme en tout, qui échoue là où son prédécesseur n’a pas réussi a manqué soit de vision, soit de volonté. N’est-il pas vrai qu’on ne tombe où son devancier à glisser que si l’on emprunte son chemin ?

Les régimes guinéens, à quelques exceptions près, se suivent et se ressemblent.

Allant d’échec en échec, ils ont souvent exposé notre peuple face à lui-même ou face à des systèmes qui le broient. Nous devons éviter la répétition de l’histoire en tirant les leçons de nos heurs et malheurs.

Les nouvelles autorités des partis politiques ont l’impérieuse nécessité de mesurer davantage leur devoir envers le peuple et la patrie. Les uns et les autres devraient intégrer dans leur conception politique que l’échec des hommes ne doit pas être celui de la république, de la nation ou du pays. Tous doivent œuvrer à apaiser les tensions, encore palpables autour de l’eau, de l’électricité, de l’emploi, de la justice sociale,  de la restauration de l’ordre constitutionnel, etc.

Ils devraient tirer les leçons de la faillite du PDG, au programme et à la vocation louable au départ. Prendre aussi en compte les ratés du Comité militaire, né au forceps en quelques nuits. Bref, se dire qu’aucun régime politique n’est encore parvenu à réaliser l’objectif, encore moins l’idéal de départ. Sans quoi nous ne serions pas en transition aujourd’hui. Mais la responsabilité ne se limite pas là. 

Nous avons tous un devoir envers le peuple et la patrie

Au-delà des politiques, nous avons tous un devoir d’action et de reconnaissance envers la nation. Une dette envers la république et le peuple. Nous devons assumer nos torts individuels et collectifs pour mieux préparer les réussites de demain. L’avenir du pays et le devenir de la nation nous le commandent.

Je me suis assigné ce rappel historique, qui n’est pas une simple énumération d’évènements, de modes de gouvernance ou de régimes politiques, pour analyser les acquis et les manquements. Il ne s’agit ni d’une mise en accusation encore moins d’une complainte qui serait marquée d’intentions nihilistes ou désenchantées.

J’insiste sur les ratages pour lancer des pistes de réflexion pouvant aider à réorienter l’avenir politique de notre pays.

Pour nous en sortir, et nous en sommes capables, il nous appartient à tous de contribuer à réparer les erreurs du passé. Cela ne se peut si nous n’assumons pas notre responsabilité collective car les chefs sont souvent le miroir de la société qui les porte.

Lapidairement, tout peuple a le chef qu’il mérite.

Dans la phase actuelle, il est impératif d’œuvrer ensemble pour une transition réussie dans le respect des règles et principes énoncés en septembre 2021.

Nous devons tous, citoyens, responsables politiques, autorités de la transition, faire en sorte que cette transition-ci permette à la Guinée de se passer d’autres transitions.

Si tel n’était le cas, nous aurions encore raté notre rêve d’un nouvel avenir. Nous retournerons alors à la case départ et la reconstruction de la nation et de la république se fera longtemps attendre.

Nous sommes condamnés à réussir ou à échouer ensemble.

Dans cette hypothèse, nous devons nous dire qu’un nouvel avenir est possible et nous en donner les moyens d’action.

Par Lamarana-Petty Diallo, [email protected]

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