L’enseignement supérieur traverse une crise sans précédent, révélée par la détresse du collectif des 50 docteurs récemment recrutés par le ministère. Depuis plusieurs mois, ces enseignants-chercheurs exercent leurs fonctions sans percevoir la moindre rémunération, une aberration dans un État censé garantir le droit à un traitement équitable de ses agents. Leur combat dépasse la seule question salariale : il met en lumière des dysfonctionnements structurels qui compromettent la qualité de l’éducation et le développement de la recherche scientifique en Guinée.
En finir avec ces conditions précaires et cette inégalité criante est la solution. Lors d’une conférence de presse tenue le 22 janvier 2025 à la Maison de la Presse, ces docteurs ont dénoncé les conditions déplorables dans lesquelles ils exercent. Privés de rémunération depuis leur prise de fonction, ils doivent assumer, sur leurs «propres fonds», la préparation des cours et leurs déplacements. Une situation qui a conduit à la suspension des enseignements dans plusieurs universités publiques depuis le 15 janvier.
Le collectif exige une refonte immédiate des grilles salariales afin de mettre fin à cette discrimination insoutenable. Comment justifier qu’à qualification égale, un enseignant guinéen soit rémunéré cinq fois moins qu’un collègue étranger occupant le même poste ? Cette politique, en plus d’être économiquement inefficace, nourrit un sentiment de frustration et fragilise ce que le porte-parole du collectif, Dr Siba Grovogui, appelle «la motivation et la cohésion au sein de nos institutions».
En outre, l’absurde disparité salariale détourne des ressources précieuses. Selon nos confidences, «le traitement mensuel d’un docteur étranger suffirait à recruter trois enseignants locaux de même grade». Cette «incohérence budgétaire» doit être corrigée au plus vite pour garantir une gestion rationnelle des finances publiques. La recherche ne devrait pas être la grande oubliée des priorités académiques. Ensuite, au-delà des salaires impayés, l’absence de «financements dédiés à la recherche» constitue un autre frein majeur à l’essor de notre enseignement supérieur.
La production scientifique est pourtant un levier stratégique du développement national dans tous les pays, mais elle demeure marginalisée ici en Guinée. Contraints de s’autofinancer, les chercheurs se retrouvent piégés dans un système qui entrave leur potentiel et limite le rayonnement académique du pays.
Ignorer leurs revendications reviendrait à sacrifier l’avenir de milliers d’étudiants et à cautionner la dégradation continue du secteur académique. Le ministère de l’Enseignement supérieur devrait prendre la pleine mesure de cette crise et y apporter des réponses concrètes et immédiates. Il en va non seulement de la dignité des enseignants-chercheurs, mais aussi de la crédibilité des institutions académiques guinéennes sur la scène internationale. «Un pays qui néglige son élite intellectuelle compromet irrémédiablement son développement», nous enseigne l’adage..
Par Racine Dieng