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Connaissez-vous le peuple Garifuna, les seuls Afro Américains à n’avoir jamais été réduits en esclavage ?

C’est l’histoire d’une culture unique marquée par la résistance, le métissage et une forte identité. La « nation » Garifuna a survécu à la colonisation et aux discriminations durant des siècles. Cap sur les côtes d’Amérique centrale, du Belize au Nicaragua, avec comme guide Aurélio Martinez, musicien et premier député Noir du Honduras.

Comme le Yalifu, le pélican, les Garinagu (pluriel de Garifuna) n’ont pas de frontières. Le film « Yalifu, voyage en terre garifuna » de Gérard Maximin raconte l’incroyable épopée de ce peuple afro américain qui a résisté à la domination des colons européens et su rester libre. Le documentaire est autant un voyage géographique qu’intime dans une culture de la résilience, de la mémoire et de la fierté.

Partez sur les traces de ce peuple en parcourant leurs terres du Honduras au Belize en passant par le Guatemala avec une icône de la culture garifuna Aurélio Martinez, tragiquement décédé à 55 ans, il y a tout juste six mois. Le 17 mars 2025, l’artiste n’a pas survécu au crash aérien survenu à Roatán.

Une histoire riche et mouvementée

Le peuple garifuna est né du naufrage de deux navires négriers en 1635 sur les récifs de Saint-Vincent, dans les Grenadines. Des Africains rescapés des cales se sont mêlés aux peuples indigènes arawaks et caraïbes. De cette rencontre, naît le peuple Garifuna, seuls Noirs du continent américain à n’avoir jamais été réduit en esclavage. Une nouvelle culture définie par des traditions amérindiennes et ouest-africaines se crée.

L’île de Saint-Vincent reste en marge de la colonisation, les populations y vivent libres. « Yurumein », nom de l’île en garifuna, devient symbole de paradis pour les esclaves des Caraïbes. Nombre de Marrons, esclaves noirs fugitifs des plantations des îles voisines tentent de s’y rendre, certains réussissent. En 1675, un autre naufrage, près de l’île de Bequia, transportant 500 Noirs du Nigéria, rendra majoritaires les afrodescendants à Saint-Vincent.

Au XVIIIe siècle, l’île est convoitée par les Français et les Anglais. Les Garinagu entrent en conflit avec les Européens. En 1719, ils réussissent à mettre en échec une expédition militaire envoyée par le gouverneur de la Martinique. Les Garinagu créent par la suite des alliances avec les Français pour contrer les Anglais. Le Traité de Paris attribue Saint-Vincent à la Grande-Bretagne. Les Britanniques reconnaissent la liberté aux « Caraïbes noirs » (Garinagu) et leur autonomie dans le Nord de l’île mais la cohabitation reste difficile. Les conflits perdurent et une guérilla s’organise.

C’est le chef de guerre garifuna, Joseph Chatoyer qui mène la résistance contre la colonisation britannique à Saint-Vincent. Il est devenu le symbole de la résistance garifuna et le premier héros national de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Après sa mort au combat en 1795, les Britanniques déportent une grande partie des Garinagu vers l’île de Roatán, au Honduras, scellant le destin diasporique de ce peuple à travers l’Amérique centrale.

La lutte pour la survie, toujours d’actualité

Le peuple Garifuna a réussi à conserver jusqu’à présent un art de vivre traditionnel, où les ressources tirées de la terre et de la mer sont partagées entre les familles de la communauté. La langue, la danse et la musique Garifuna ont été inscrites sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Grâce au travail de musiciens comme Paul Nabor, Andy Palacio et Aurélio Martinez, la culture garifuna a traversé les frontières. Un autre ambassadeur : Celeo Álvarez Casildo (1959-2016), fondateur de l’Organisation de Développement Communautaire Ethnique (Odeco), s’est distingué pour ses combats au niveau local et international, plaidant pour la reconnaissance de la culture et des droits des populations afrodescendantes en Amérique centrale.

Aurelio a repris le flambeau de Celeo, le travail du leader emblématique et défenseur des droits garifuna, est devenu le sien. Il est devenu le premier membre noir du Congrès en 220 ans d’histoire (date à laquelle son peuple est arrivé sur les plages continentales du Honduras). « Le seul en 220 ans, juste un seul. C’est le plus grand exemple de discrimination dont nous avons été victimes. » complète-t-il.

La musique d’Aurélio Martinez s’exporte à l’international. La star sénégalaise Youssou N’Dour remarque le musicien et les deux hommes travaillent ensemble. Le but d’Aurelio est que sa culture survive et soit reconnue à travers le monde.

À travers son regard, le documentaire révèle une société soudée, autarcique par nécessité, mais ouverte dans sa lutte pour la préservation de son identité. L’accent est mis sur l’importance de l’oralité et de la vie communautaire. Le film souligne l’indispensable résistance face aux changements imposés de l’extérieur. Il est vital de préserver la culture et l’autonomie des villages face aux menaces de la mondialisation. Ce mode de vie est aujourd’hui menacé par la vie moderne. La médecine traditionnelle dérange. Les terres ancestrales des Garinagu sont convoitées pour des projets touristiques, hydroélectriques ou liés à l’agriculture intensive.

Un film écrit et réalisé par Gérard Maximin

Production Eclectic Presse avec la participation de France Télévisions

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