Nous nous acheminons inéluctablement vers la mise en place du Conseil National de la Transition (CNT) pour servir d’organe législatif en cette période d’exception. La mise en place de cet organe essentiel de la transition fait l’objet d’interprétations à outrance dans les milieux socio-politiques du pays. Malheureusement, ces élucubrations nous éloignent du débat essentiel qui est celui du quota, mais aussi de la représentativité des entités telle que indiquée dans la charte de la transition en son article 60.
Cette charte concoctée par le CNRD dans la foulée de son coup de force, en réalité, pourrait bien évidemment évoluer après la mise en place du CNT. C’est sûr que cet organe transitoire amendera plusieurs dispositions après sa mise en place. Il pourrait même probablement fixer la durée de la transition, puisque considéré de facto comme représentatif de la Nation. Un gros bémol qui pourrait mettre cette transition en danger. Surtout que la charte ne définit pas le pouvoir de ce CNT, dans une transition où le président du CNRD peut prendre des ordonnances en lieu et place du CNT qui serait représentatif du peuple. La charte ne définit pas clairement les pouvoirs de cet organe essentiel de la transition. On voit clairement un hyper pouvoir de la junte dans cette transition.
Dans cette charte, aucun pouvoir de « récusation » (motion) n’est donné ni au président de la transition, ni au CNT, si un des organes trahit sa mission. Un blocage institutionnel possible, même s’il ne faut pas se leurrer que nous sommes dans un régime d’exception.
Sur la représentativité au CNT
A lire les quotas attribués par les entités, on s’inquiète de la mainmise de la junte sur le CNT. Considérant l’article 37, qui stipule que “le Comité national du Rassemblement pour le Développement est l’organe central de définition et d’orientation stratégique de la politique économique, sociale, culturelle et de développement du pays, il est le garant de la stabilité et de la paix. Il est composé des éléments des forces de défense et de sécurité de la République de Guinée (armée, gendarmerie, police, protection civile et conservateurs de la nature).” Il faut s’interroger sur le pouvoir immense des militaires sur les institutions transitoires qui sont essentiellement dans leurs mains. Et le seul organe qui pouvait, au moins, atténuer cette suprématie, est totalement phagocyté. Il suffit juste d’analyser les quotas attribués pour comprendre.
Aux seules forces de défense et de sécurité, la Charte de la tranisition attribue neuf membres. Quid des organisations de jeunes qui auront cinq membres cooptés par le ministère de la Jeunesse qui est forcément sous l’influence du gouvernement de la transition.
Qui sont les huits personnes ressources qui seront au CNT ? Quel sera le mode de désignation de ces personnes ? Les deux représentants des chambres consulaires n’émanent-ils pas eux aussi de la junte ? S’agissant des organisations culturelles, quel sera le rôle du ministère de la Culture dans le prochain choix des deux représentants ?
Parlant des faîtières de la société civile indiquées dans la charte, qui sont-elles ? Et comment pouvons-nous vraiment laisser à certaines organisations de la société civile qui se sont illustrées dans le soutien du troisième mandat de M. Alpha CONDÉ, de façon active ou passive, de choisir les représentants devant siéger au CNT ? Pire, aujourd’hui nous avons plus de cinq mille organisations de la société civile et plus de trois cents partis politiques qui ne pourront choisir que vingt-deux conseillers pour le CNT.
Autant de questions sur la désignation qui vont jusqu’à amener certains de voir l’idée d’inclusion de la junte comme une utopie. Alors que nous avons quatre coordinations régionales, la charte indique qu’elles ne devraient choisir que deux représentants. Ceux qui seront choisis seront-il vraiment représentatifs ? Quels vont être d’ailleurs critères de choix à ce niveau ?
Des cinq représentants des jeunes sur huit régions administratives, c’est carrément de l’exclusion. En principe, chacune des régions administratives et les cinq communes doivent être représentées. Ce qui ferait 13 représentants des jeunes, choisis par eux-mêmes.
Dans cette représentativité, je vois que les organisations des droits de l’homme seront représentées par deux personnes, alors que nulle part on n’a fait mention du Barreau de Guinée qui est censé être aussi dans cet organe transitoire.
Pour rappel, après les Accords de Ouagadougou en 2010, l’ancienne présidente du CNT, Hadja Rabiatou Serah, avait plaidé pour l’augmentation des membres du CNT afin d’avoir une représentation nationale. Mais à lire la charte de la junte actuelle, il est apparent que le pays est géré en solo par un groupe qui pose des actes en ne prenant en compte l’avis d’aucun autre acteur.
C’est très dangereux dans cette transition d’aller à contre-courant en n’écoutant pas les voix nombreuses. L’apparence du succès à tout prix, sans remettre en question la méthodologie, peut être préjudiciable sur nos intentions à bien faire. On espère plus de lucidité pour la suite de la transition.
Abdoulaye Oumou Sow Journaliste/Blogueur
Secrétaire général d’Ablogui
Responsable communication du FNDC
Membre Africtivistes