Le secteur agricole et agroalimentaire offre aussi des opportunités de revenus à saisir. Une réalité que l’on ne peut nier. La Guinée a plus que jamais besoin des investisseurs issus de la diaspora. Les participants de la deuxième session du web forum agricole initié par l’Association média et agriculture pour le développement rural (Amedar) lancent une invitation aux membres de la diaspora pour qu’ils investissent leur capital et leur savoir-faire dans des entreprises agricoles en Guinée. Cette belle initiative animée d’un esprit patriotique et positif pour le secteur agricole et agroalimentaire est soutenue par la Fédération des associations guinéennes en Hauts-de-France (FAG-HDF). Mais de quelle manière et avec quelle garantie «impliquer et protéger l’investissement de la diaspora dans l’agriculture»? Lisez la réponse!
Mardi 10 octobre 2023, jour de l’événement virtuel. Il s’est tenu en prélude à la journée internationale de l’alimentation 2023 célébrée chaque 16 octobre, date de sa propre création en 1945. L’initiative est de l’Association média et agriculture pour le développement rural (Amedar) en partenariat avec la Fédération des associations guinéennes des Hauts de France (FAG-HDF).
Le modérateur de la session est Hamza Kossinantao. Il a l’honneur de présenter le forum et ses enjeux majeurs. C’est aussi lui qui dresse le portrait des panélistes chargés de développer la thématique. Kossinantao décrit le thème qui porte sur« Comment impliquer et protéger l’investissement de la diaspora dans l’agriculture en Guinée »avant de donner la parole à la première personnalité installée sur le podium. En l’occurrence, Mme Madina Dansoko, Vice-présidente de la CNAG -Chambre nationale d’agriculture de Guinée).
Elle saisit l’opportunité pour saluer l’esprit positif qui anime les organisateurs et le choix judicieux de la thématique. En ce moment où le pays a plus que jamais besoin des membres de sa diaspora, ces habitants de sa cinquième région naturelle, pour rattraper le retard accusé dans le domaine agricole par rapport à ses voisins, Mme Diallo met en évidence la création des partenariats solides et mutuellement rentables entre les dynamiques membres de la diaspora et les acteurs locaux pour réaliser des projets dans toutes filières du secteur. « C’est plus que nécessaire d’impliquer la diaspora », annonce d’entrée cette dame qui sait de quoi elle parle.
Non pas parce que l’agriculture demeure un domaine dans lequel la plupart des expatriés trouvent la paix du cœur en termes de revenus financiers tout en apportant une contribution notable dans la promotion de l’autosuffisance alimentaire, mais «parce que », explique-t-elle, les Guinéens de l’étranger, « ont toujours des projets de retour (dans leur pays d’origine).
Et puis, «quelles que soient les années passées », affirme Mme Madina Dansoko, les membres de la diaspora dans leur majorité ont toujours à l’idée de « rentrer au bercail » ne serait-ce que pour quelques jours et d’apporter leur part dans le développement de leur terroir.
Guichet unique d’investissement agricole
Elle explique que la Guinée compte mettre en place un guichet unique d’investissement agricole dont le but est de faciliter la tâche aux potentiels entrepreneurs agricoles, notamment les membres de la diaspora. Un tel guichet est utile, nécessaire voire incontournable.
La Vice-présidente de la CNAG soutient qu’il s’agit bien de faire bénéficier tout le monde des secteurs dans lesquels il est bon d’investir, y compris de mettre à la disposition du public d’informations utiles relatives aux formalités, aux domaines, aux différentes filières, bref à tout ce qui a trait à la formulation, l’installation et la mise en œuvre de projets agricoles viables en République de Guinée.
Cet autre panéliste jouit, lui aussi, d’une solide expérience dans l’agriculture. C’est Kandet Oumar Touré. Il est chargé de l’approvisionnement des fruits et légumes dans une entreprise nord-américaine basée aux Etats Unis. Il énumère quelques difficultés rencontrées par certains investisseurs issus de la diaspora qu’il appelle des « contraintes ». Celles-ci, dit-il, sont liées à des tracasseries administratives dont des candidats à l’investissement dans l’agriculture peuvent être confrontés une fois sur le sol guinéen. Notamment dans le processus d’acquisition de terres arables ou bien de terrains non aménagés. Ou encore, si tout cela est solutionné, ou rendu aisé, comment adapter les productions issues des investissements aux normes requises.
Pour un mécanisme institutionnel protecteur
Il sait que chaque investisseur a son business plan et sa méthode de gestion des risques pour fructifier et protéger ses biens. Toutefois, M. Touré propose aux organisateurs du forum et aux autorités de la Guinée, une seule chose. C’est de « créer un mécanisme qui permette » de garantir que « les investisseurs » ne se feront pas « voler » leurs projets et leurs investissements, ou « tromper par des individus (véreux) ou par des sociétés » administrées par des arnaqueurs.
Un tel «mécanisme » institutionnel est protecteur. Le législateur lui revêtira de moyens sûrs pour favoriser l’efficience et l’efficacité de la protection qu’il assure aux investissements agricoles de la diaspora. Amadou Chico Cissoko, directeur d’investissement de l’entreprise FABIK, préconise que «mécanisme »institutionnel devienne une voie de « recours »crédible pour toute entreprise créée dans les quatre régions naturelles du pays.
C’est ce qui, selon ses dires, motivera davantage tout entrepreneur agricole qui décide de mobiliser un financement à partir de la cinquième région naturelle où il a acquis des compétences et eu à tisser de bonnes relations pour poser ses valises temporairement ou définitivement en Guinée.
Séparer le bon grain de l’ivraie
Mais à ce niveau, il est bon de déblayer le terrain de l’investissement en amont et aval. L’ingénieur agronome Kanté Moussa, par ailleurs écrivain et ancien résident en France, fait entendre un plaidoyer adressé aux organisateurs du web forum et aux autorités de la Guinée. Selon lui, il est utile de plaider en faveur des membres de la diaspora mais de préférence ceux des agriculteurs et des investisseurs promouvant essentiellement des habitudes licites. Pas aux mauvaises graines.
A l’évidence, le plaidoyer de M. Kanté rappelle que parmi ceux qui atterrissent au pays, il y a des personnes qui sont d’une moralité assez douteuse. Des investisseurs qui ont dans leurs valises des habitudes culturales proscrites, c’est-à-dire non conformes.
Il invite donc à faire avec la diaspora de bonne moralité. Car c’est à elle qu’il faut demander de venir s’insérer dans les systèmes de production avec des moyens d’exploitation modernes dont a besoin l’agriculture guinéenne pour produire suffisamment de vivres de bonne qualité non seulement pour faire face aux besoins de la population locale mais aussi constituer des stocks bons pour l’exportation.
Mettre fin aux facteurs décourageants
Aussi, puisqu’ils existent sur le terrain des facteurs décourageants connus, à l’image de la concurrence déloyale ou des incendies criminels d’exploitations agricoles, les investisseurs doivent être rassurés par la qualité des institutions mises en place dans le pays. Cela les encourage davantage et protège leurs investissements en Guinée.
En effet, voir des milliards de francs guinéens partir du jour au lendemain en fumée n’est pas facile à digérer pour tout investisseur. Pourtant, ce fléau des incendies, souvent, jamais élucidés, n’incite pas la diaspora à mettre de l’argent et des moyens matériels conséquents dans le développement du secteur agricole en Guinée.
Mohamed Soumah est gérant du cabinet CERCA. Il affirme qu’il s’agit bien d’un facteur « décourageant les entrepreneurs agricoles et ceux de la diaspora notamment ».
Le professeur aux universités général Lansana Conté de Sonfonia et de Sierra Leone, Thierno Mohamadou Diallo est un consultant en développement bien connu dans la sous-région ouest-africaine pour son expertise. Il saisit l’occasion de ce panel et des préparatifs de la Journée mondiale de l’alimentation célébrée chaque 16 octobre sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour rappeler dans la langue de Shakespeare le manque de réglementation et de cadre de travail encourageant un investissement massif des guinéens établis à l’étranger dans leurs pays d’origine.
Dans ses explications, M. Diallo démontre que tout appel à investir en Guinée doit commencer par lever ce handicap séculaire. Une législation spécifique et adéquate précède toujours une campagne de promotion des droits et devoirs dans un domaine d’investissement, laisse -t-il entendre.
L’universitaire congratule l’initiative d’organiser un tel panel porté par l’Ong Amedar. Il apprécie le haut niveau d’engagement des partenaires du forum dans la vulgarisation agricole en faveur de la sécurité alimentaire, tout en rappelant que toute contribution à la promotion de partenariat et d’investissement dans l’agriculture doit intégrer le respect scrupuleux des principes de transparence qui préconise une attention particulière au droit des consommateurs.
Par Ahmed Tidiane Diallo