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Massacre du 28-septembre : Mouctar Bah témoigne des horreurs vécues

Le correspondant de l’Agence France-Presse et de la Radio France internationale était présent au stade le lundi 28 septembre 2009. N’eut été sa casquette journaliste et son dossard de correspondant de la presse étrangère, Mouctar Bah allait être criblé de balles par la soldatesque envoyée sur place pour réprimer les manifestants pendant et après ce rassemblement pacifique tenu sans autorisation du régime du capitaine Dadis Camara.

Quatorze ans après, devant le tribunal criminel de Dixinn chargé du procès des événements survenus ce jour-là à Conakry, il témoigne des horreurs qu’ont vécues beacoup d’observateurs et d’opposants qui n’ont pas bénéficié, comme lui, de la clémence des forces de défense et de sécurité. Lundi, 9 octobre 2023, Mouctar Bah comparaît devant le Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry en qualité de victime des événements du 28 septembre 2009.

«Je suis allé au stade, témoigne Mouctar Bah. A peine je mettais mes pieds sur la pelouse, j’ai entendu le crépitement des balles. Je ne sais même pas d’où sont venus les tirs. Sur place, je n’ai pas vu des personnes tomber. C’est quand j’étais caché quelque part derrière la tribune avec mon ami Amadou Diallo – correspondant de la radio britannique BBC (British Broadcasting Corporation) – qu’on voyait des gens tirer sur des jeunes qui essayaient d’escalader le mûr pour descendre vers l’université (Gamal-Abdel-Nasser de Conakry).»

Mouctar Bah a-t-il vu des femmes violées ? «C’est clair qu’ils ont violé des femmes dans le Palais des sports. Il y a une femme qui est sortie en courant et qui m’a dit: «M. Bah aidez-nous». Ils sont en train de nous violer. Deux ans après, j’ai rencontré son mari dans une cérémonie. Quand il a su que c’était moi Mouctar Bah de RFI, il m’a approché, et m’a dit ‘‘merci d’avoir sauvé ma femme’’. Je lui ai dit à quelle occasion j’ai sauvé votre femme ? Il m’a dit que c’était au stade. J’ai dit, cette femme vit encore ? C’est comme ça que je me suis rappelé de cette femme ».

Mais qu’en est-il des portés disparus et des fosses communes? Le journaliste de l’AFP et de RFI  souligne avoir été saisi par des citoyens au sujet de leurs proches venus répondre à l’appel des Forces vives au stade du 28 septembre. D’autres voix lui annoncent l’existence de fosses communes dans un cimetière situé derrière le camp Alpha Yaya Diallo.

«84 corps dans des camions»

Une source l’appelle, «vers 22h pour (lui) dire qu’ils (les membres des Forces de défense et de sécurité, ndlr) étaient en train de ramasser des corps, (et qu’ils) ont déjà pris 84 corps au stade  qu’ils sont en train de mettre dans des camions. Il m’appelle une heure après pour me dire qu’ils sont en train de les enterrer au cimetière du côté du Camp Alpha Yaya vers Cosa, derrière les rails.»

Si Mouctar Bah est sorti vivant du stade. Ce n’est pas fortuit. Il explique: Deux jours avant le massacre, le «samedi 26 septembre, nous étions à Labé avec le capitaine Dadis pour son meeting. Au cours de cette rencontre, j’étais avec mon confrère Amadou Diallo de la BBC. Quand le président Dadis a vu nos micros, il a dit : ‘‘RFI et la BBC sont là, donc tout le monde saura ce qui se passe au Fouta théocratique’’».

Le lundi 28 septembre, Bah assiste à l’événement aux côtés de ses confrères de la presse. Ils sont rassemblés devant la pharmacie Manizé Kolié quand le colonel Moussa Thiégboro Camara pointe son nez.  «Mais le stade était fermé», se rappelle le journaliste.  Quelque temps après, Tiégboro quitte les lieux pour se rendre devant l’université. Les gendarmes aussi sont partis. Les manifestants font leur entrée dans le stade.

Mais, des gendarmes et des policiers anti-émeute appartenant à la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) basée à Cameroun se pointent. Ansoumane Camara Bafoé et Moussa Thiégboro Camara font leur apparition. Après une chaude dispute avec des membres des forces vives, Thiégboro Camara hausse le ton.

«Chargez !»

Puis, il ordonne : «Chargez !». Cet ordre donné marque le début de la répression violente dont des manifestants ont été la cible. Dans la foulée de la débandade amorcée pendant que des manifestants sont piégés, ciblés, puis criblés de balles dans le  stade, le journaliste est mis aux arrêts par des policiers de la CMIS, certains de ses appareils de reportage et un de ses téléphones portables sont cassés.

«Ils m’ont embarqué dans un véhicule de la CMIS. Bafoé est venu en courant (…) et il m’a demandé de descendre», témoigne le journaliste. Ainsi, je me suis dirigé vers le carrefour et j’ai entendu quelqu’un dire qu’il y a eu un mort. C’était la première victime. Le corps était couché à l’abri de la Police routière. Ainsi, je suis rentré dans le quartier pour envoyer les premiers éléments (de reportage sur l’événement) à ma rédaction», explique le correspondant de RFI et de l’AFPI en Guinée, sauvé par sa casquette journaliste.

Par Gordio Kane, in Le Populaire

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