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L’Union Africaine (UA) à l’épreuve de la recrudescence des crises multidimensionnelles sur le continent

Face à la multiplication des menaces qui pèsent sur la stabilité du continent, l’organisation panafricaine brille par son inertie, à la limite, par son désengagement dans la recherche des solutions à moins et à long termes. En plus, de la lutte contre le terrorisme, qui est un phénomène mondial, les Etats africains regroupés au sein de l’organisation régionale sont confrontés à d’autres formes de menaces, liées à la remise en cause de l’ordre démocratique, la tension entre pays voisins, le recours armé entre forces gouvernementales (de faites ou légales) et les forces irrégulières. L’organisation doit également faire face à la conjoncture politique, économique, diplomatique et militaire internationale.
Aucune partie du continent n’est aujourd’hui épargnée de l’instabilité politique, économique et sociale. De Somalie à l’Ethiopie, en passant par la RDC, la RCA, le Cameroun, le Tchad et le Soudan qui occupe les titres de la presse internationale, sans oublier les différents coups d’Etat militaire en Guinée, au Burkina Faso et au Mali. Les crises se multiplient et s’enlisent. L’organisation principal en matière de maintien de la paix et de la sécurité sur le continent a montré ses limites et son impuissance à mettre sa politique de gestion de crises en œuvre, en particulier sa politique coercitive.
Peut-on affirmé sans hésitation que les mécanismes régionaux et sous-régionaux sont obsolètes et inadaptés ? Ou bien, c’est ailleurs, qu’il faudra rechercher les causes de ce désengagement, devant les nombreuses menaces sur la stabilité du continent ?
Les raisons de l’inertie de l’UA sont à la fois propres à la politique continentale en matière de gestion de crise, mais aussi et surtout aux contingences géopolitiques et géostratégiques internationales.
I – Les limites propres à l’organisation
Dans un passé récent, l’organisation se caractérisait par sa capacité à œuvrer à la recherche des solutions pacifiques aux crises dans ses Etats membres, à la limite, la mise en œuvre de ses instruments à la fois militaires – sur autorisation bien sûr du Conseil de sécurité qui est l’organe principal en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, en vertu de la Charte des Nations Unies ou sous son autorité et non militaires.
Actuellement, l’UA rencontre d’énormes difficultés pour rendre effectif sa politique de sécurité régionale. Elle se montre incapable de prendre des initiatives, de mettre de pression sur les protagonistes de ces différentes crises. Elle éprouve des difficultés pour mobiliser ses partenaires traditionnelles (ONU, UE, France, Etats Unis) autour de l’action qu’elle a initiée. L’instance régionale est livrée à elle-même et a du mal à assumer ses responsabilités notamment de garantir la paix et la sécurité sur le continent.
L’organisation n’a pas les moyens humains, économiques et militaires pour s’engager dans différents foyers de crises. L’UA est victime toutefois de l’absence de démocratie en son sein, de l’application variable de sa politique et de ses décisions. En effet, sa crédibilité et son image sont ternies par son approche conciliante sur certaines crises et sa fermeté dans d’autres situations. L’organisation a perdu toute crédibilité envers les Etats africains et ses partenaires. Elle est également décriée par la société civile africaine.
Les difficultés internes sont liées aussi à la multiplication des crises. Cette densification limite sa capacité d’influence. Les communautés économiques régionales (CER) qui font parties intégrantes du système de sécurité régionale, rencontrent les mêmes difficultés que l’organisation mère. Ainsi, l’UA qui, en collaboration de ses partenaires se contentait d’avaliser les initiatives des CER comme la CEDEAO, est mis devant sa responsabilité. Elle n’a plus la possibilité de se ranger derrière les succès des CER pour masquer son inefficacité. Également, le désintérêt de ses partenaires pour des raisons économiques, stratégiques a porté un coup à son action.
II – La crise du multilatéralisme
 Il est de notoriété publique que l’UA est fortement dépendante de l’extérieure pour son propre fonctionnement et concernant la gestion des crises qui aboutit le plus souvent au conflit armé. Cette dépendance est de plusieurs ordres : institutionnel, économique et diplomatique.
Sur le plan institutionnel, en matière de sécurité collective sur le fondement du Chapitre VII, le Conseil de sécurité est l’organe principal. C’est le principe hiérarchique qui régie les rapports entre l’UA et l’ONU en la matière. En effet, pour toute action coercitive de surcroit militaire, l’UA a besoin du soutien des membres permanents du Conseil de sécurité. L’Afrique est affaiblie dans cette instance hautement politique et stratégique par l’absence du droit de véto à un de ses Etats pour défendre ses intérêts. Il faut rappeler que généralement le véto est un levier diplomatique et d’influence pour la défense des intérêts particuliers des grandes puissances dans le monde. Les questions africaines sont abordées au sein du Conseil pour les africains sans les africains. Le soutien dont l’UA a besoin de la part de l’ONU est sacrifié pour des luttes d’influences, stratégiques et militaires. Les situations critiques du continent sont placées au second rang au profit d’autres situations, présentant plus d’importance pour les membres permanents du Conseil de sécurité (la situation ukrainienne, la situation syrienne, la question de la prolifération nucléaire iranienne et coréenne, la problématique de l’immigration).
Concernant, l’aspect économique, l’UA ne couvre pas l’ensemble de ses besoins. La contribution des Etats parties ne couvre même pas le budget de fonctionnement. De même, quelques pays constituent les principaux contributeurs de l’organisation. Elle dépend largement de financement extérieur, notamment de la part de l’UE.
Au niveau diplomatique, l’organisation ne dispose pas des leviers économiques, politiques pour influencer le reste du monde en dépit de ses nombreuses potentialités : ressources naturelles, démographiques et autres. Sa politique coercitive est restreinte, contrairement à celle de l’UE ou des Etats Unis où on note une volonté d’internationaliser la coercition. Les mécanismes africains sont interafricains et ne s’orientent que contre les ressortissants du continent. De même, les menaces sont appréhendées que dans le cadre régional.
L’organisation doit renforcer son système de sécurité collective. Elle doit l’adapter à la reconfiguration géopolitique mondiale. En effet, la coercition est aujourd’hui un levier diplomatique et un moyen d’influence. Mais tout cela ne peut se réaliser que si l’organisation est crédible envers ses Etats d’un côté et envers ses partenaires de l’autre. Cela passe sans nul doute, par la promotion de la démocratie en son sein et le respect de l’Etat de droit dans ses Etats membres et sa capacité à défendre ses intérêts au niveau international. A cela, s’ajoute la mise en œuvre intégrale de ses mécanismes en matière de gestion de crise, qu’on soit en face d’une rupture de l’ordre constitutionnel civile ou militaire, du recours à la force, de la lutte contre le terrorisme ou de l’atteinte à l’environnement.
Amadou Lamarane BAH
Diplômé en Relations internationales
Doctorant en Droit Public / FSJP/UCAD

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