Sortie des ruines de la résidence de l’opposant Cellou Dalein Diallo et baptisée du nom d’une des victimes du régime Touré, l’ «Ecole primaire Diawadou Barry» fait l’actualité.
Située à Dixinn-port en banlieue de Conakry, cette école primaire publique est subdivisée en deux blocs de bâtiments de 18 salles de classe. Elle est bâtie pour un coût de 12 milliards de francs guinéens, dans un délai de cinq mois, sur les ruines de la résidence de Cellou Dalein Diallo démolie le samedi 26 mars 2022, et dont le dossier est pendant devant la justice guinéenne.
Deux actes qui font l’objet de critiques.
Principal leader du paysage politique guinéen, Diallo avait été sommé de quitter les lieux le 28 février 2022.
Quand il a appris la nouvelle, il a réagi en ces termes: «les autorités ont fait démolir mon bâtiment de Dixinn et ses annexes ce samedi 26 mars 2022. Selon les voisins, ce sont d’abord une dizaine de pickups de gendarmes et de policiers qui sont venus stationner devant la concession. Ensuite, des techniciens de EDG sont passés pour débrancher le courant et isoler les bâtiments. Après, une plateforme transportant un engin de terrassement est venue débarquer l’engin devant la concession. L’engin de terrassement, accompagné de policiers et de gendarmes, est entré dans la concession et a procédé à la démolition de la maison et de ses annexes qui ne sont plus que des amas de gravats.»
L’école construite sur ces lieux est dotée d’une bibliothèque, une infirmerie, une cantine, une direction de trois bureaux, une salle de formation, deux magasins, et des toilettes.
Elle a été érigée en ces lieux au nom de «de la refondation de l’Etat», comme le souligne le ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation, Guillaume Hawing qui a officiée la cérémonie en présence du maire de la commune urbaine de Dixinn, Mamadou Samba Diallo, issu des rangs de l’Ufdg (Union des forces démocratiques de Guinée), la formation politique dirigée par Cellou Dalein Diallo. Le ministre Guillaume Hawing annonce à cet effet que l’école accueillera 600 écoliers.
Les faits sont têtus. Les nouvelles autorités du pays l’ont ouverte au cours d’une cérémonie officielle le 7 octobre 2022.
Son nom de baptême est «Ecole primaire Diawadou Barry ». Du nom du député à l’Assemblée nationale française de 1954 à 1958, qui fut ministre de l’Éducation nationale en Guinée de 1958 à 1961, ministre des Finances de 1961 à 1963, ambassadeur au Caire de 1963 à 1966, puis directeur de l’imprimerie nationale Patrice Lumumba de 1966 à son arrestation en 1969. Barry Diawadou meurt en détention au Camp Boiro en juillet 1973.
Manque de respect
Le problème que créent le régime en place et ses tenants se trouve dans le fait que les membres de la «famille de feu Barry Diawadou» n’aient pas été associés à ce projet de baptême de l’école à l’illustre nom de leur regretté. Ils ont fait signer une déclaration en leur nom par l’ancien garde des Sceaux, ministre de la justice, magistrat, avocat à la cour, Bassirou Barry, qui désapprouve la manière dont les autorités utilisent le nom du martyr sur un édifice public construit sur des pratiques de mauvais aloi.
Cet extrait de la déclaration en fait foi. Lisez !
«La Famille BARRY de Dabola a appris à travers les Médias qu’une École, bâtie sur un terrain qui fait objet de contestation, a été baptisée du nom de feu Barry Diawadou, un des héros de l’indépendance de la Guinée, qui a été assassiné dans les conditions connues du monde entier.
La Famille tient à préciser qu’elle n’a pas été consultée ni invitée à la cérémonie de baptême.
Compte tenu du rôle éminent que Barry Diawadou a joué dans le processus d’accession de notre pays à l’indépendance, nous pensons, humblement, qu’il mérite beaucoup plus et beaucoup mieux.
Pour la Famille, le Doyen
Maître Bassirou BARRY
Avocat à la Cour Ancien Magistrat Ancien Ministre de la Justice».
L’acte du régime de la transition ne contribue pas à aider à cicatriser les plaies du passé.
La protestation de la famille Barry Diawadou trouve sa motivation dans le manque de respect envers ce martyr arraché à l’affection des siens dans des conditions qui restent encore à élucider.
Par Gordio Kane