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La Guinée, entre espoir de développement économique et inquiétude politique

En décembre 2023, la République de Guinée a été frappée par l’explosion de son principal dépôt de carburant à Conakry. Cet événement tragique a désorganisé le secteur énergétique et aurait coûté jusqu’à 1,5 point de pourcentage au PIB, entraînant ainsi un ralentissement de la croissance économique à 4,1 % en 2024.

Pour 2025, bien que l’inflation reste élevée, atteignant 10,2 %, les prévisionnistes anticipent déjà une croissance comprise entre 5,5 % et 6 %, portée principalement par la dynamique des activités minières (représentant 18 % du PIB).

En 2024, la Guinée a exporté 142 millions de tonnes de minerai de fer. L’entrée en production du mégaprojet de Simandou, prévue cette année, pourrait devenir un véritable catalyseur pour multiplier les volumes d’exportation. La Guinée, souvent qualifiée de « scandale géologique », détient en effet les premières réserves mondiales de bauxite ainsi que d’importants gisements d’or et de fer.

Le projet Simandou pourrait doubler le PIB du pays et accélérer son développement grâce aux revenus générés et aux investissements prévus dans les infrastructures. Par ailleurs, le réseau portuaire minier pourrait connaître une nette amélioration. Une étude de faisabilité a été lancée pour la construction d’un port polyvalent en eaux profondes dans le district de Kouffin, sous-préfecture de Kamsar (préfecture de Boké). Ce port permettrait d’accueillir des navires de grande capacité et de réduire significativement les coûts de transport des exportations minières guinéennes.

Un autre projet d’importance a été relancé : celui de la raffinerie d’alumine de Boké. Ce projet fait actuellement l’objet d’un bras de fer entre l’État guinéen et la compagnie émiratie GAC. Les autorités de la transition reprochent à leur partenaire de ne pas avoir respecté ses engagements, ce qui a conduit à un blocage des exportations.

Il convient également de mentionner qu’au premier trimestre 2024, le gouvernement guinéen a rencontré la société Alteo Refinery Guinea (ARG), qui a exprimé sa volonté de construire une nouvelle raffinerie à Boké. Dans cette dynamique, le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, a pris un décret, le 21 mars 2024, déclarant ce projet d’intérêt national (PIN).

Malgré cet environnement économique dynamique et les perspectives de développement très prometteuses, le climat politique reste tendu, marqué par un recul des libertés publiques. L’année 2025 est censée marquer le retour à l’ordre constitutionnel. C’est en tout cas la promesse faite le 5 mars 2025 par le chef du gouvernement, M. Amadou Oury Bah. Toutefois, plusieurs observateurs pensent que le chef de la junte, le général Doumbouya, sera candidat, malgré l’interdiction théorique imposée par la charte de transition.

L’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum, prévue pour le 21 septembre 2025, pourrait permettre de « remettre les compteurs à zéro ». Les partisans du chef de l’État multiplient d’ailleurs les manifestations de soutien à Conakry et dans les régions à l’intérieur du pays. L’un de ces événements, un tournoi de football organisé à N’Zérékoré, a viré au drame : un mouvement de foule a causé 56 morts, selon les autorités.

Le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a lancé une évaluation des partis politiques. Selon le rapport final publié le 14 mars 2025 à Conakry, 75 partis sont autorisés à exercer librement leurs activités sur l’ensemble du territoire, 28 ont été suspendus pour non-conformité, 27 dissous définitivement, 4 placés sous observation pour trois mois, et 24 autorisés sous condition d’organiser un congrès pour renouveler leurs instances dirigeantes.

Sur le plan judiciaire, les avis sont partagés concernant la condamnation à cinq ans de prison pour corruption et détournement de fonds publics de l’ancien ministre de la Défense Mohamed Diané et de l’ex-Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana. Le procès en cours de M. Aliou Bah, président du parti Model, pour « offense au chef de l’État », attire une large attention tant nationale qu’internationale.

Enfin, la disparition, depuis le 9 juillet 2024, d’Oumar Sylla alias Foniké Mengué, de Mamadou Billo Bah, de Habib Marwane Camara (journaliste) et de l’ancien secrétaire général du ministère des Mines, M. Saadou Nimaga, a plongé le pays dans un climat d’inquiétude et de peur.

Alors que certains acteurs politiques et de la société civile appellent à un dialogue inclusif, les principaux leaders de l’opposition restent en exil forcé à l’étranger. La Guinée se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. Forte de ressources naturelles considérables et d’un potentiel économique immense, elle pourrait amorcer une transformation durable vers le développement. Cependant, les incertitudes politiques, les tensions sociales et les atteintes aux libertés fragilisent cet élan. Pour que les promesses économiques se concrétisent au bénéfice de tous, un retour effectif à l’ordre constitutionnel, fondé sur la transparence, le respect des droits et le dialogue inclusif, s’impose comme une condition essentielle.

Mamadou Djouldé Diallo,
Jeune Citoyen.

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