Journaliste engagée au service de la culture et de l’éducation en Guinée. Diaka Camara est animatrice, productrice, activiste et cheffe d’entreprise. Son engagement se résume en une phrase : « redonner aux femmes la place qu’elles méritent ».
À la tête de l’agence CBC Worldwide Com & Prod, Diaka Camara illumine l’écran en animant l’émission emblématique « Le chœur des femmes » sur Canal+. Visionnaire et engagée, elle a fondé en 2017 la Diaka Camara Foundation, une initiative dédiée à l’éducation des jeunes filles, à l’assistance des familles vulnérables, à la lutte contre la violence de genre et à l’activisme social.
Aujourd’hui, elle se distingue en pilotant le commissariat général de la 17ème édition des 72 Heures du Livre de Conakry, un événement littéraire incontournable qui se tient du 23 au 25 avril, suivi de manifestations à Guéckédou, la ville d’honneur, du 26 au 28 avril 2025.
Dans le cadre de la quatrième édition du Salon du Livre Africain de Paris, cette femme d’exception, véritable figure de proue de la culture guinéenne, se prête à nos questions lors de cette entrevue exclusive.
Tidiane Diallo : Quelle est la signification de votre présence à la 4ème édition du Salon du Livre Africain de Paris, un événement rassemblant les Africains du continent, sa diaspora et ses Afro-descendants ?
Diaka Camara : Notre présence ici vise avant tout à promouvoir la 17e édition des 72Heures du Livre de Conakry, placée sous le thème fort de « La Puissance Féminine ».Nous souhaitons inviter toutes les personnes présentes à nous rejoindre à Conakry les 23, 24 et 25 avril 2025 pour célébrer ensemble la littérature, les idées et la force des voix féminines. Comme vous avez pu le constater, nous disposons d’un stand dédié au Salon du Livre Africain. Il nous semblait essentiel d’être présents à cet événement littéraire d’envergure, qui réunit à Paris de nombreux écrivains, intellectuels et maisons d’édition venus de tout le continent. Une belle opportunité pour faire rayonner Conakry et la littérature guinéenne à l’international.
Vous avez mentionné que le thème de cette édition célèbre la puissance féminine. Qu’est-ce qui a motivé le comité d’organisation à vous désigner comme Commissaire générale pour l’édition 2025 ?
Le thème de cette année, « La Puissance Féminine », met résolument les femmes à l’honneur. Si Sansy Kaba Diakité, fondateur des 72Heures du Livre de Conakry, a choisi de consacrer cette 17e édition aux femmes guinéennes et à celles du monde entier, c’est pour rendre hommage à leurs contributions essentielles à notre société, de l’indépendance à nos jours. Un constat s’impose : sur près de 100 auteurs publiés en Guinée, la quasi-totalité sont des hommes, alors que les femmes représentent 52 % de la population. Penser qu’elles n’ont rien à raconter serait non seulement faux, mais profondément injuste. Dans une société encore très patriarcale, les hommes monopolisent trop souvent la parole publique, pendant que les femmes sont enfermées dans le “syndrome de la modestie” : cette injonction silencieuse à ne pas trop dire, ne pas trop briller, rester en retrait. Or, les femmes ont des histoires à transmettre, des visions à défendre, et des voix à faire entendre. Cette édition est un appel à les écouter, à les lire, et surtout à les encourager à écrire.
Quel honneur les femmes peuvent-elles attendre de cette édition des 72Heures du Livre de Conakry qui leur est dédiée ?
Nous souhaitons redonner aux femmes la place qu’elles méritent, car elles jouent un rôle fondamental dans le développement économique, social et politique de notre pays. Cette année, nous avons choisi de leur confier les clés de cette édition, en leur permettant de l’organiser selon leur propre vision. J’ai eu l’honneur d’être nommée Commissaire Générale, succédant à Sansy Kaba Diakité, fondateur des 72Heures du Livre. Je mesure l’ampleur de cette responsabilité, d’autant plus que nul ne peut égaler son engagement. J’ai suivi son travail de près, notamment lorsqu’il a œuvré pour faire de Conakry la Capitale Mondiale du Livre. Son dynamisme et son ambition de positionner Conakry comme capitale africaine du livre sont remarquables et inspirants. Dans cette continuité, j’ai souhaité m’entourer de femmes fortes. C’est ainsi que Mme Ramatouye Camara, Cheffe de Cabinet du Ministère du Travail et de la Fonction Publique, a été choisie comme Présidente du Comité d’Organisation. Une femme capable de rassembler, d’écouter, de porter une vision collective et inclusive. Aujourd’hui, nous avons une réelle opportunité de transformer les choses, et nous comptons bien la saisir.
Avez-vous également pensé à inclure des ambassadrices modestes et des jeunes filles dans votre comité ?
Nous avons veillé à représenter toutes les générations. Des jeunes femmes dynamiques comme Kadiatou Konaté, membre du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée, ou Kadiatou Kaba, la plus jeune présentatrice du journal télévisé guinéen, font partie de nos ambassadrices. À leurs côtés, des figures influentes telles que Madame Dialikatou Diallo et Madame Sy, qui ont marqué leur époque par leur engagement et leur parcours inspirant. Il était tout aussi essentiel pour nous d’inclure des ambassadrices issues des milieux ruraux, car ces femmes jouent un rôle majeur dans l’économie nationale, que ce soit à travers l’agriculture ou dans le secteur informel. Nous ne pouvons pas parler de puissance féminine sans valoriser ces femmes de l’ombre qui, chaque jour, font avancer notre société avec force, courage et dignité. À cet effet, nous comptons parmi nos ambassadrices des femmes inspirantes telles que Hawa Keita, commerçante, et Hadja Mballou Fofana, entrepreneure dans le secteur agricole.
Les 72 Heures du Livre s’étendent sur trois jours. N’est-ce pas une tâche lourde ?
En réalité, cet événement ne se limite pas aux trois jours des 23, 24 et 25 avril. Ces dates marquent l’ouverture officielle du salon, mais les 72 Heures du Livre s’inscrivent dans une dynamique continue, avec des activités prévues avant et après l’événement. Des ateliers d’écriture, de lecture ainsi que des séances de dédicaces seront organisés tout au long de l’année, car nous avons à cœur d’encourager davantage de femmes à écrire et à publier leurs œuvres. Notre ambition, d’ici la fin de notre mandat le 23 avril 2026, est de lancer l’initiative “1977” : la création d’une médiathèque dédiée à l’écriture féminine, la toute première dans la sous-région. Un espace de référence qui fera également office de résidence d’écriture pour toutes les femmes qui souhaitent se consacrer à leur plume et faire entendre leur voix.
Pensez-vous être à la hauteur, Diaka ?
Absolument, mon cher Tidiane. Nous sommes des femmes, et ce que nous sommes capables d’accomplir dépasse parfois l’imaginable. Désolée, mais il faut le dire : nous sommes à la hauteur, et bien plus encore. Il est essentiel de mettre en lumière ces femmes exceptionnelles, de leur montrer qu’elles peuvent être des modèles inspirants pour la jeunesse guinéenne et africaine. Pourquoi toujours chercher des figures de référence ailleurs, alors que chez nous, des femmes réalisent chaque jour des choses remarquables . À nous de les valoriser, de leur donner la parole, et de célébrer leurs parcours. Car si nous sommes capables aujourd’hui, la génération suivante le sera encore davantage.
Votre ouvrage “Le Leadership Authentique” coïncide-t-il avec la 17ème édition des 72Heures du Livre de Conakry ?
Nous ne pouvons pas encourager les femmes à écrire si, nous-mêmes, en tant que Commissaire Générale et Présidente du Comité d’Organisation, nous ne montrons pas l’exemple. Il est essentiel d’être cohérentes avec le message que nous portons : inspirer en agissant. C’est d’ailleurs sur les conseils de mon chargé de communication, Alpha Oumar, que je me suis lancée dans l’écriture. À mon tour, j’ai encouragé la Présidente à faire de même. Nous avons vite réalisé à quel point nous avons des choses à dire, à transmettre, à partager. Et plus que jamais, il faut encourager les femmes à s’exprimer, à prendre la plume et à faire entendre leur voix.
Quel message souhaitez-vous adresser à nos compatriotes guinéens à l’approche de la 17ème édition ?
Nous appelons toutes les Guinéennes et tous les Guinéens à se mobiliser massivement pour célébrer la littérature et l’expression sous toutes ses formes, les 23, 24 et 25 avril 2025 à Conakry, puis à Guéckédou les 26, 27 et 28 avril. Nous encourageons chacun à soutenir les femmes et à leur donner la place qu’elles méritent, y compris dans les zones rurales. Cette année, nous publierons un récit fort issu de ces milieux pour rappeler que la lecture et l’écriture ne sont pas réservées à une élite. Peu importe le niveau d’instruction, chacun a une histoire à raconter, une voix à faire entendre. Il est donc essentiel de créer des espaces d’expression pour ces femmes, afin d’amplifier leur parole et de reconnaître la richesse de leurs vécus. Nous invitons chaque citoyen à s’approprier les 72 Heures du Livre, car cet événement est bien plus qu’un rendez-vous culturel : C’est un levier pour le développement de notre pays. Le développement socio-économique passe aussi par l’éducation, par les livres, par la lecture. Créons des clubs de lecture dans nos quartiers, nos familles, entre amis. Partageons les livres, les idées, les mots. Car nourrir l’esprit, c’est déjà faire évoluer la société.
Pour conclure cette interview, souhaitez-vous adresser un mot à notre hebdomadaire guinéen, Le Populaire ?
Je tiens à féliciter Le Populaire. Qui ne connaît pas votre publication ? Vous faites un travail difficile, mais indispensable. N’abandonnez pas ! Tout ce qui dur et a une longévité nécessite des sacrifices, avec des hauts et des bas.
Entrevue réalisée
par Tidiane Diallo